21 juin 2010

Et Livre vain devint CosmoZ - Claro - Actes sud - 08/2010

Après les extraits coups de cœur de CosmoZ, glanés sur FaceBook, et postés ici-là en forme de faux scoop mais à l'attention de ceux qui ne sont/veulent pas réseausocialiser, voici une forme de, disons, collector.
Exhumé (c'est une habitude) de l'époque bénie qui me valut d'être maudit d'avoir copy/pasté un backfromoz point blogspot point com désormais emporté par un des trous noirs de l'espace numérique.
Certains s'en souviennent encore.
Ce qui va suivre date d'avril 2006 (sauf erreur).
CosmoZ n'était pas encore CosmoZ mais Livre vain.
En référence, si l'on peut dire, à Livre XIX, du même Claro, paru quelques années plus tôt.
En l'état actuel de ma boîte aux lettres, j'ignore si ce passage a subi des modifications dans ce qui sortira chez votre libraire préféré le 18 août prochain. Si quelqu'un, quelque part, de l'autre côté de l'arc-en-ciel, ceci dit sans gravité aucune, a le moyen de comparer, qu'il parle ou se taise à jamais.

Bien entendu, si cet extrait gêne, ce que je comprendrais aisément, je le retirerai sans aucun délai ni condition (quoique... boîte aux lettres... attendre le 18 août... -- non, je ne chantage pas, je plaisante).

Maintenant, attachez-vos ceintures, ça va décoller.
Et décoiffer.

Ça commence par un cyclone



Dans le cyclone, l’œil, et dans l’œil, rien, sinon des milliers d’autres cyclones tordus par le vent et par le vent chassés, de longs cônes de mousseline grise qui se déboîtent, se déhanchent et se crispent en saccades hip-hop, impossible de savoir quelle forme y prend le silence, à quel degré d’imposture ou de turbulence il s’y trouve porté, quels bruits y sont disséqués quels autres embaumés, impossible d’y déployer une pensée assez solide pour qu’elle ait le moindre espoir d’en réchapper : aucune, nous le savons, n’y résisterait, car la tempête se lève, sévit, et ses vents se liguent, formant un bulbe convoluté aussitôt étiré en entonnoir, la couche d’air froide patine et cahote sur la couche d’air chaud, obligeant celle-ci à s’ériger en colonne de disques furieux, articulés ; l’air a cessé d’être pure volition horizontale et façonne ses parois intérieures à coups de rotations, les convulsions s’inventent discipline et désastre – la tornade naît, elle se visse et se désosse sur elle-même avec volupté, singeant parfois l’immobilité à une vitesse de cinq cents kilomètres/heure, compressant heures et distances, s’avance et se recentre à force de dévorations, de régurgitations, la voici ventousée à la terre et dans le ciel couronnée de vide, il est trop tard, car j’ai bien peur, oui, j’ai bien peur que nous soyons de nouveau au Kansas, Toto.
Tant mieux (exit Toto), car c’est au Kansas que les tornades trouvent leur terrain d’expression le plus abouti, le plus pragmatique, dans cette région usée par l’entêtement des premiers colons et la résistance d’Indiens déchus. Alcool, fusils, concessions, trahisons : c’est un schéma depuis longtemps intégré. Fusant du sud de l’Etat puis traçant vers le nord selon d’invisibles lignes de rafales, les tornades profitent de l’aridité et de la sécheresse du terrain pour renoncer aux plaines craquelées du Nouveau-Mexique, inexorablement attirées par les Grands Lacs magnétiques.
C’est un fait : il n’a pas plu depuis trois jours et trois nuits. L’après-midi s’est attardée dans les fissures du sol et les ombres torves des arbres. Conditions idéales, chiens haletant sous les tracteurs, siestes pliées et repliées sur elles-mêmes, dans le drame d’un lit ou sur la balancelle d’un porche. Dans le champ de blé, l’épouvantail danse sans bouger, tous les téléviseurs sont soudain brutalement siphonnés de l’intérieur par un appel d’air, les ampoules cognent, clignent puis s’éteignent, les volets giflent en morse les bardeaux, la poussière hésite et sautille, très vite ça racle et grince, la lumière semble baisser par à-coups, comme la vue d’un mourant qui voit le soir écraser tout ce qu’il sait.
Tout là-bas, le nuage entame sa descente en une volte lente et de plus en plus grise, il enfle jusqu’à atteindre une épaisseur de cinquante pieds, aspire frénétiquement tout ce que sa trompe annelée peut rencontrer à la surface de la terre, puis recrache ce tout en un RIEN qui se disperse. (La tornade diffère du cyclone, comme autrefois l’émotion différait du sentiment, comme aujourd’hui le cauchemar se distingue du rêve. Plus concrètement, la colonne tornadique se tient perpendiculaire et procède par bonds et succions tandis que la cheminée cyclonique avance légèrement penchée, collée à la terre par sa base rotative. L’une danse, l’autre défile. L’une attaque, l’autre fuit. Mais il va sans dire qu’elles n’hésiteront pas échanger leurs caractéristiques à la moindre contrariété, fidèles en cela à l’extraordinaire susceptibilité de la Nature, laquelle est excitée à tout propos et en tout lieu par le facteur humain.) Tout ça progresse sur le tapis des conventions avec l’animosité contenue d’un aspirateur ayant renoncé à s’appeler Hoover. Monte la vache, saute la clôture, le vélo file entre les maïs et les écoliers épars tressautent à plus de vingt-quatre images par seconde dans le côlon mobile. Les bâtiments de ferme, les granges, les mangeoires, les reproductions de mangeoires peintes et suspendues sur les murs intérieurs des bâtiments de ferme, la masse rutilante des engins agricoles, les cailloux arrachés aux labyrinthes des semelles de bottes, les dents crachées dans la poussière, et même le cil déposé sur la pulpe de l’index puis laissé sur l’écorce de l’arbre : envolés, décuplés, dissociés. Tout cela forme tambouille puis monte en gerbe dans le col du cyclone qui brasse et redistribue, se livrant à d’interlopes accouplements, d’iniques collusions, et ce sans le moindre humour puisque nous sommes, rappelons-le, dans l’œil crevé qui n’a rien à voir mais tout à perdre.
La suite sous peu.

19 juin 2010

[extraits coups de cœur] CosmoZ - Claro - Actes Sud - 08/2010

Déjà dit hier, en forme de faux scoop, le 18 août, chez Actes Sud : CosmoZ, de Claro.
Un (très tout petit) peu moins de deux mois à attendre - deux (gros longs) mois à baver.
Donc donc donc.
Pour patienter et pour ceux qui ne facebookent pas : trois extraits.
Copy/pastés de la page CosmoZ.
(On a aimé. Donc donc donc : on partage.)
Les voici dans l'ordre d'apparition à l'écran.
Extrait#1 :

Elfeba et Dorothy croisent un convoi de jeeps, mais personne ne prête attention à elles. Une heure plus tard, au détour d’un buisson, elles se retrouvent au seuil d’une petite vallée encaissée et voient alors, grossi à sa taille réelle, le point qui a attiré leur attention un peu plus tôt.

La chose est si énorme qu’il leur faut en faire plusieurs fois le tour avant de se prononcer sur sa nature.

C’est une baleine et seul le vent respire encore en elle. Peu importe d’où elle vient, si des océans retirés des milliers d’années plus tôt ne l’ont échouée ici qu’enfin, peu importe si le ciel l’a oubliée en s’imaginant soudain ressac, le fait est qu’elle repose bibliquement à même la terre des Indiens fantômes de l’antique Oscuro, morte aux apparences, la peau poinçonnée par la confrérie des crabes, les évents encore tièdes et vibrants, sa nageoire caudale toute grêlée de sable et de mica, imposante dans le silence de ses origines, et comme proportionnée à l’oubli où elle va.

Affranchie des derniers vestiges de sa monstruosité, elle projette, en une aberration insolente, son ombre vers le ciel, laquelle devient nuage, nuage noir.
Non loin de là, les savants de Los Alamos parlent d’orage imminent et refont leurs calculs.


Extrait#2 :
C’était davantage qu’un poste de télévision : c’était un ct-100. Serti dans un meuble en acajou, l’objet occupait une place de choix dans le salon de Matthew Ostrowski, quelque part à Sacramento, Etats-unis. Et la raison pour laquelle semblait émaner de l’engin une petite bulle proclamant “Je dépasserai toutes vos espérances” était simple : ledit téléviseur était doté
d’un écran à tube cathodique et à masque perforé qui utilisait des couleurs phosphorescentes dont la chromaticité correspondait au standard ntsc. Les rouges et oranges du ct-100 étaient plus riches et plus saturés que le rouge-orange et le vert-jaune dont s’enorgueillissaient jusqu’ici ses prédécesseurs. De là, une gamme de couleurs plus étendue, moins timorée. En outre, son masque perforé planaire et son écran à luminophore plat étaient suspendus dans une enveloppe de verre ronde et il disposait d’un syntoniseur à barillet à seize positions, capable de recevoir toutes les combinaisons de chaînes vhf et uhf, fournissant ainsi une image de 45,75 mégahertz et une sortie son if de 41,25 mégahertz. une merveille, en somme, alimentée par 19 500 volts au moyen d’un redresseur 3A3 et d’un stabilisateur en dérivation 6bda. un SynchroGuide horizontal conventionnel s’occupait du reste. L’appareil en question avait coûté près de mille dollars à Matthew Ostrowski, mais ce dernier ne regrettait rien, surtout pas en ce jour de fête où la chaîne cbs avait décidé de diffuser son film préféré, celui qu’il avait vu dix-sept ans plus tôt au Grauman’s Chinese theatre de Los Angeles, le 15 août 1939 précisément, et pendant la projection duquel, à la dix-neuvième minute, il avait réussi, alors que cette pauvre dinde de Garland ouvrait la porte de sa maison pour s’aventurer dans le merveilleux pays d’Oz, à glisser sa langue, non sans insistance, dans la bouche de celle qui, aujourd’hui, au même moment mais dans une autre pièce, contemplait son reflet dans le miroir de sa coiffeuse, une brosse arrêtée dans ses mèches blondes, en proie à une irréversible fêlure, tandis que les deux enfants nés en quelque sorte de ce baiser made in Technicolor®, John et Margaret Ostrowski, respectivement quatorze et seize ans, étaient assis dans la cuisine, devant le poste de radio – un Philips hf 538A encore tout rutilant –, en train d’écouter le dernier bulletin d’information, lequel faisait état de troubles en hongrie, à Budapest.
On était le 3 novembre 1956 au soir et Matthew se réjouissait de revoir – enfin ! – ce film ô combien séminal à ses yeux, Le Magicien d’Oz, diffusé pour la toute première fois à la télévision, qui plus est en couleur, grâce à la coûteuse magie de son ct-100 flambant neuf.
Mais que fabriquait son épouse Cecilia ? Sur la table basse, des blancs de poulet patientaient entre une pile de toasts triangulaires et un bol de pickles, assistés par deux Budweiser encore toutes scintillantes de condensation.
Extrait#3 :
Si le néant est juste une habitude, si mourir n’est qu’un exercice, eh bien me voilà parvenu au bout de la boucle, là où la fleur du même ose enfin recracher sa graine : nous ne sommes que la vengeance de la différence. Oui, quelle belle cervelle que celle qui accouche de cette non-philosophie. Quelque part, je sais que je suis toujours dans ce champ à la croisée des chemins, empaillé et crucifié, insipide et filandreux, à la fois pitre et menace, perchoir à bêtes noires, à bêtes cruelles. Les cris des becs, les gifles des ailes, me faut-il une dernière fois les appeler de toute ma détresse ? C’est toujours la même chose : une douleur me réveille, me transperce, de part en part, non, de paille en paille, c’est peut-être ça le renouveau de la dernière des choses mortes.


Conclusion : on bave toujours.

La suite sous peu.


17 juin 2010

Le 18 août, oZez lire !

18 août 2010.
En plein été.
Même si vous avez les doigts pleins de crème solaire.
Plutôt que de mater les mono et bi kinis.
Ou les strings.
Ou les deux.
Plutôt que de prendre une baffe de votre petite amie, épouse, belle-mère (rayez la mention inutile).
Plutôt que de bronzer idiot.
Le 18 août .


CosmoZ
Par Claro

Traduit du français (France) par Claro.
Actes Sud.

Et vu ce qu'en disent certains petits veinards dont on taira le nom, vous ne le regretterez pas.
En attendant, on bave.










La suite sous peu.