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4 mars 2008
Madman Bovary : le journal d'un fou
Cela étant dit, qu’est-ce que Madman Bovary ? Un journal de lecture ? un livre d’amour ? sur le désir ? à scander, hurler, partager ?
L’école des fans a gagné, aucun n’a tort, mais pas un n’a raison (je vais me faire des amis…) Il m’est d’autant plus facile de l’affirmer que j’arrive après la bataille. Armé de trois lectures successives et dans la foulée [sic] – c’est dire si ma tête palpite, mes yeux bourdonnent, mon cœur simple sample, si je bovaryse/débovaryse en rythme obsessionnel. Cela étant dit, est-ce provisoire ? Certainement pas.
Petit rappel défait.
Tout comme ses prédécesseurs, le Claro nouveau crucifie dans sa ligne de mire la même cible : le lecteur. Pas un, mais le. Que Claro traduise ou écrive (ou inclusif), il ne change nullement son fusil d’épaule, encore moins de munitions. Ce sniper fou qui tend enfin à sortir de l’ombre – on a failli attendre – prend à revers celui qui le découvre, pour ne plus le lâcher, à son corps défendant. Si j’osais : Claro, c’est de la balle ! Oui, mais de la balle dum-dum, de la balle traçante, perforatrice, à ailettes, ce que vous voulez, de la superballe qui zébulonne et marsupilamise, vous tricote les neurones en scoubidou, vous saisissez ? Pourquoi ? Parce que – c’est lui qui le dit – il lui plairait de voir l’effet physique produit par les mots, la langue, sur le lecteur. Sa cible.
Cela étant dit, quels sont les prédécesseurs ?
D’épais volumes traduits (Gass, Vollmann, Pynchon – pour ne citer que les plus récents et à venir) qu’on ascensionne par la face Nord pour, une fois parvenu au sommet, regretter de l’avoir atteint – quand c’est bon, c’est toujours trop court – et de fines lames aiguisées à souhait (Chair électrique, Bunker Anatomie, Black Box Beatles et vers la grâce) dont la brûlure marque d’autant plus celui qui s’y frotte qu’elle est insidieuse. Autant dire que Claro est une armée à lui seul : artillerie lourde et arme de poing, pavé et cocktail molotov.
Cela étant dit, que de violence dans mon propos !
Justement.
L’amour, le désir, scander, hurler, la passion, l’ivresse, Flaubert, Emma, l’arsenic, Estée, les mots, la langue – on croise même Artaud : violence. Pour la bonne cause, et rien d’autre. Pour secouer les cocotiers abritant le hamac dans lequel roupille et ronronne et s’autofictionne et s’autocongratule notre belle langue françouêze qui, partant, s’enferme, s’endort, se perd, se pantouflarde, se nombrilise, son passé de « belles lettres » claquant mollement au vent.
Avec Madman Bovary, c’est précisément cet étendard sanglant – car il l’est – du passé que Claro chipe en gamin malicieux tirant et tordant la langue pour mieux l’élever. Un passé non pas dépassé, mais bel et bien…innovant. Un passé présent dans lequel on oublie trop souvent de s’immerger. Claro est tombé dans la marmite bovaryque étant petit, en a bu chaque goutte, l’a roulée en bouche. Et c’est en digne sommelier qu’aujourd’hui il crache.
Cela étant dit, que raconte Madman Bovary ?
Ah oui : l’histoire…
Largué par Estée (encore que… on y reviendra) un quidam anonyme mais qu’il est (trop) aisé d’imaginer quasi autobiographique plonge dans une énième (re)lecture de Madame Bovary – comme il arrive (arrivait ?) à certains amants éconduits de se jeter dans
Ce qui se produit alors est inéluctable : Bovary investit autant celui qui en devient Madman que ce dernier phagocyte Madame, découvre, redécouvre, aime, pervertit Emma et Flaubert au rythme ondulatoire/copulatoire de chapitres tout en montées et descentes : Passion, Ivresse, Félicité… Il s’agit donc bien d’un livre d’amour, d’un roman sur le désir (Pedro et Antonio : ten points !)
Pourtant, à bien y regarder, c’est de lecture dont il est question « ici-là » – espace temps superbement analysé par Pedro – : journal de lecture, donc (Fausto : ten points !). D’amour d’un livre, d’un auteur, de désir de lire, et comme il s’agit de Flaubert dont on ignore rien du gueuloir, un livre à scander, hurler (Lazare : ten points, ce qui met tout le monde à égalité, cf supra.) En ce sens, la langue de Claro rend davantage hommage à G.F qu’elle ne le parodie ou le pastiche, démontrant furieusement combien Flaubert innovait et reste de ce fait actuel. Comme quoi « classique » ne signifie pas « dépassé », qu’on retienne la leçon !
Cela étant dit, au même titre que « vers la grâce » n’était pas tant un précis de traduction qu’un précieux journal de l’écriture, Madman Bovary n’est-il pas le journal de la lecture, du rapport amoureux au texte ?
Rapport fragile :
Poisson hameçonné, donc, mais pas encore arraché à la flaque bavarde, je sais combien ma lecture est fragile. Les mots n’ont pas encore trouvé leurs racines, le phrasé demeure branlant comme une dent sous le clavier, je dois fermer des yeux que je serais incapable d’écarquiller pour mieux voir les limites de l’écran qu’interpose la lecture.
Si je passe d’un groupe de lettres à l’autre sans volonté de ricochet, si j’enjambe des relatives ou piétine des incises, je sais ce qui se passera. Le crabe du regret refermera ses pinces sur mes couilles et adieu ivresse.
Incroyable :
Ce n’est pas un hasard. Il existe bel et bien des formules magiques, de curieux saucissons syllabiques que l’esprit débite sans même y penser. La faim s’invente à mesure.
Gratifiant :
Au début, les lignes restent empilées les unes au-dessus des autres, puis des rigoles apparaissent, des fêlures blanches qui redonnent peu à peu un semblant de vie au rectangle noir. Enfin secs, mes yeux reconnaissent l’aberrante géographie de l’alphabet et il m ‘est donné de lire une phrase (…)
Permanent :
Acquérir de la vitesse, tout est là. Laisser le vent familier du roman vous caresser les mèches, tandis que vos yeux bovins laissent filer l’indolente loco. Tout un art. Méthode, donc.
Passionné :
Et voilà que la simple conscience de ce point-virgule arrivant après ce « rasseoir » auquel j’aspirais de toutes mes faiblesses, voilà que ce point-virgule, ce point-là sur cette virgule-là, cette tête-ci sur ce corps-ci qui se courbe pour mieux tomber, voilà que ma dernière volonté m’hameçonne et me tire hors de l’eau d’oubli.
Je connais la suite. Comme si je l’avais déglutie et digérée, recrachée, cachée, puis oubliée. Le Proviseur va s’adresser à Monsieur Roger, à demi-voix – pas en murmurant, ou en baissant le ton, ou en détachant les syllabes, non : à demi-voix – et lui présenter l’élève qu’il vient d’introduire dans la salle de classe, mais aussi dans le Livre, mais aussi : dans ma tête.
On s’aperçoit là que Fausto ne dit pas autre chose, sauf que s’il s’agit dans le cas précis de Madman Bovary de la relecture – sans réécriture ; sinon fragmentaire, en acte d’amour – d’un texte d’exception, rien n’empêche de généraliser la règle, de l’étendre à toute lecture. La suite dépend bien entendu de l’auteur…et du lecteur. De la capacité…d’abandon de ce dernier.
Cela étant dit, revenons à qui abandonne qui.
Y’a-t-il rupture d’Estée, ou la dissolution du Madman dans la lecture, le Livre, le conduit-elle à ignorer S.T qui alors se lamente :
Quand tu es comme ça, on ne te voit plus.
C’est à se demander si tu es là.
Cela étant dit, une fois l’ultime mot englouti :
Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva, comme surpris dans son travail.
Ceux qui ne dormaient pas, ceux-là, qu’ont-ils fait ?
Ils se sont appropriés le texte et n’ont jamais cessé de lire.
Question subsidiaire :
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Madman Bovary - claro - Verticales
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Bien entendu#2, les commentaires éventuels, consécutifs à ce 1er papier tapé en tremblotant, sont restés là-bas.
La suite sous peu.
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