15 août 2008

Carte postale#4 : 2666 suite toujours

Entremont, le 15 08 28
6h40, on continue, tête dans le guidon, comme dirait Manu, tête dans le brouillard (rien à voir avec l'apéro d'hier, beaucoup avec la météojourd'hui - NB : ça change de la pluie - NB2 : 8h du mat, orage et pluie jusqu'à 19h).
Plus on avance dans La partie des crimes de 2666, plus on se persuade que les assassinats perdureront, que quelques voix s'élèveront pour disparaître quelques temps plus tard, absorbées, dissoutes dans l'indifférence, l'incompétence, l'horreur de trafics tramés dans l'ombre. Et c'est précisément cette certitude qui en ajoute à l'horreur, à l'amertume, à la sensation d'écoeurement, d'étouffement. Davantage peut-être que l'énumération des assassinats dont le côté effroyable semble gommé par un mode de description...''clinique'' : endroit et date de la découverte du ou des corps, rang dans le nombre des assassinées de l'année, nom de la ou des victimes (lorsque cela est possible), rapide - sommaire - description des raisons de la mort, puis passage direct sur l'entourage et/ou les témoignages. Presque une fiche d'identité judiciaire. Ou des notes qui auraient été prises sur le terrain par un des inspecteurs chargés de (des) enquêtes.
À moins que le lecteur, lui aussi, ne s'habitue à la mort.

Certes, il y a des arrestations, des coupables - dont on comprend que leurs crimes n'ont rien à voir avec la longue série de meurtres - des suspects (qui disparaissent et ne reviennent jamais à Santa Teresa) mais rien qui soit susceptible de mettre un point final à l'horreur ; pas même la piste des snuff movies.
Sans rien dire des pistes négligées : mais bon sang, quelle est cette Peregrino noire aux vitres teintées apercue par de nombreux témoins ? Qui va enfin s'y intéresser et quand ?
''Des preuves, ce que n'importe quel tribunal civilisé considérerait comme des preuves, eh bien, il n'y en avait pas(...)''

Puis, un journaliste qui n'est pas sans certains points communs avec Fate, en ce sens que les meurtres ne constituent pas d'ordinaire le fond de ses articles, reparti à Mexico DF dans les premières pages de cette Partie des crimes en ayant oublié l'affaire, s'y intéresse à nouveau :

''Il n'avait pas oublié - tout en se posant des questions sur les raisons de la persistance de ce souvenir - les jours qu'il avait passés à Santa Teresa, ni les assassinats de femmes, ni cet assassin de curés appelé le Pénitent, qui avait disparu aussi mystérieusement qu'il était apparu.''(p.530)

Les choses semblent alors s'accélérer : les ''chapitres'' longs sont plus fréquents...mais toujours rythmés de passages plus courts relatant de nouveaux enlèvements et meurtres de femme.
Notamment en 1997.
Un premier mouvement féministe (3 membres initiaux, puis 20) suivi d'un second, à Mexico ; l'inspecteur Epifanio Galindo (non Manu, je n'invente rien) met les bouchées double tandis que son ''disciple'' Lalo Cura (phonétiquement la locura, la folie) à force de lectures sur les méthodes d'investigation se pose et soulève davantage de questions ; celui que l'on incarcère, le géant allemand faisant penser à Archimboldi, convoque conférence de presse sur conférence de presse tandis que les meurtres se poursuivent...
Puis : Sergio González, le journaliste culturel de Mexico DF a un long, très long entretien avec une députée, ex journaliste, qui cherche la vérité quant à la disparition d'une de ses amies ; à Santa Teresa, on fait venir en renfort un ex agent du FBI spécialisé dans ce type d'enquête ; le détenu Klaus Haas fait une nouvelle conférence de presse au cours de laquelle il balance des noms ; un journaliste disparaît, une journaliste entreprend d'en retrouver la trace.
On se prend, 4 ans après la première morte, à espérer que les choses changent. Mais combien d'années faudra-t-il encore ? et combien d'autres meurtres ?

Puis vient la fin de 1997, et de cette longue partie faite de violence, de corruption, de mensonges, de disparitions(quelles qu'elles soient), de négligences, de machisme, d'ouvrières assassinées, "des ouvrières, pas des putes", et d'une région du Mexique, collée aux États-Unis, où le taux de chomage féminin est le plus bas. Tout cela est-il lié,n' y a-t-il pas plutôt plusieurs ''affaires'' différentes (oui, semblent affirmer les meurtres dont on parvient à identifier les coupables, rarement avant qu'ils ne prennent la fuite ou ne disparaissent) ?

Une chose est certaine, une fois terminée la page 720, une chose qui marque le lecteur lorsqu'il repense à toute cette transposition de Ciudad Juárez :
''Personne n'accorde d'attention à ces assassinats, mais en eux se cache le secret du monde.''(p.401)


La suite sous peu.
Et une fois n'est pas coutume, pour en savoir davantage, voir du côté du Fric frac Club, libellé 2666.

6 commentaires:

  1. Eh bé mon gars, tu dévores ! ça va être pour moi, la fessée !!!
    Il me reste 150 pages avant la fin, la partie d'Archimboldi est certainement la plus intriguante de toutes, surtout suite à la litanie presque religieuse (cela fait penser à une sorte dea parti messe où l'officiant réciterait la vie des saints) de la partie des crimes. Le contraste est saisissant, et offre de nombreux points d'ancrages avec les autres parties, et un beau jeu de miroir avec la partie des critiques.

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  2. On rentre de vacances, et voilà ! de superbes petits textes nous cueillent pour nous rappeler notre paresse...
    Par contre, tu parles d'Archimboldi qui convoque conférence de presse sur conférence de presse... ?????

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  3. A cette heure-ci, et vu qu'il fait enfin beau, je n'en suis qu'a la page 808.
    Non, Bartl, je parle du detenu allemand dont la description physique m'a fait penser a Archimboldi. Il faut dire que, apero Apremont oblige, ca n'est pas tres clair dans cette carte postale...
    La suivante, plus courte, ce soir. La suite sous peu.
    (content d'avoir eu au moins deux lecteurs, moi)

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  4. Il y fait penser... effectivement... Je suis sûr que tu as des centaines de lecteurs, mais ils sont timides !
    Vous faites des soirées fessées avec Manu ????

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  5. Oui oui des centaines de lecteurs qui ont la chance de lire Bolano par procuration, Bolano passé a la moulinette, bien plus léger et bien plus digeste.

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  6. "À moins que le lecteur, lui aussi, ne s'habitue à la mort."

    Très bien vu. Un coup de maître de la part de Bolaño, qui rend hypnotique son récit. Et nous fait descendre dans un enfer où l'on oublie, par la force, de faire la grimace, de produire un rictus même minimum. Là où une scène (par exemple celle du tabassage du conducteur de taxi dans la première partie) avait suffit à me faire me sentir mal.

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