25 janvier 2024

[It is about] L'échec

It is about L'échec 
Comment échouer mieux
Faisons court :
quand Claro sort un essai, c'est de cela qu'il s'agit, force nous est de le reconnaître, il est loin d'échouer -- surtout pas sur la plage abandonnée ; coquillages et crustacés repasseront (désolé pour la page 11).
Loin du formalisme un rien pompeux qu'on s'attend à trouver généralement dans ce genre d'ouvrage, le traducteurauteuréditeur, (ici, on pourrait ajouter "rugbyman" -- si, si) fait un pas de côté, tord le cou à l'académisme et cuisine l’échec jusqu’à le pousser dans ses derniers retranchements transformant ainsi l'essai (d'où le rugbyman si, si cité ci-dessus) en --  
En quoi, au juste ?

Eh bien...

Dans son infinie bonté, l'esc@rgot entend livrer la recette de cet opuscule, recette qui permettra à Claro d'éviter que les cerises ne restent au fond du clafoutis — nulle invention de notre part, cet échec personnel, il le liste, avec d'autres, page 95 : 

Parvenir à confectionner un clafoutis aux cerises digne de ce nom (chaque fois les cerises restent au fond, un peu comme les bonnes intentions quand on veut écrire un roman basé sur des faits réels et sans intérêt).

[après recherches, il s'avère que deux écoles s'affrontent à ce sujet. L'une prône "les cerises recouvertes par l'appareil", l'autre, "les cerises sur l'appareil". Certes, ceci ne fait guère avancer le schmilblick mais permet une illustration... d'échouer mieux.]

Recette, donc : 

  1. Préchauffez en introduisant la partie d'échecs la plus courte du monde
  2. Graissez le moule à tarte ou à manqué (tiens donc...) à l'aide d'une première traduction sur laquelle buter [Ah ce It is about water qui devient L'eau !]
  3. Dans un cul de poule, zestez le citron de la traduction en compagnie de Oui-Oui sous le volcan, ou Au-dessous du volcan, voire Soûl le volcan. (page 42 -- merci !)
  4. Ajoutez les oeufs et les jaunes d'oeufs et mélangez vivement pour ne pas faire de grumeaux à l'aide d'entretemps en autant de définitions de l'échec, détournements de citations, psaumes, etc -- gérez, en somme, faites preuve de résilience mordorée (là, j'en connais un qui ne lira pas cette notule jusqu'au bout -- ça, c'est de l'échec !)
  5. Ajoutez enfin le lait du premier visage de l'échec (Kafka) et la crème liquide des Castors Juniors ou quatre façons d'échouer, tout en mélangeant pour obtenir un appareil lisse et homogène (ce qui n'est pas le cas ici, rien n'est lisse, les grumeaux de l'humour font tout le sel de l'appareil, justement)
  6. Versez l'appareil dans le moule... en donnant à lire Le Pont, Histoire d'un échec -- nouvelle qui traîne un peu des pieds, puis racle ses godillots jusqu'à la chute (ça échoue bien, en effet)
  7. Répartissez uniformément -- ah non, uniformément, certainement pas ! on l'a dit quelques lignes plus tôt, puisque Pessoa est appelé à la barre (et pas pour une histoire de cerises).
  8. Enfournez pour la cuisson avec le Vertigo dont on vérifie la cuisson en le piquant deux fois (une séance au cours de laquelle on apprend que le verre, t'y go sauf si Alfred est aux commandes.
    [ouais, bon, c’est nul, mais cet échec-ci vous est généreusement offert par l’esc@rgot g@rpien, ne me remerciez pas, j'échouerai mieux la prochaine fois.]
  9. À la sortie du four, attendez que Cocteau soit complètement refroidi (pardon ?) en troisième visage de l'échec pour le... démouler délicatement (hum).
  10. Conservez L'échec au réfrigérateur de la lecture - je sais lire les mots, mais sais-je lire ? [on y retrouve avec plaisir le madman Bovary et ce Nous-qui-est-le-Je-?] avant dégustation de la postérité et du calendrier intime du livre, infini...
Dégustez.
Ô combien !
Mélange d'érudition, d'humour, d'anecdotes personnelles (codées ou non), cet échec  essai nous a fait penser à quelqu'un dont on corne aussi nombre de pages savoureuses...




... un certain DFW.
Pas celui de C’est de l’eau (puisque It is water — et non It is about water)
Mais plutôt le DFW de Considérations sur le homard (volume 2).


Un exemple déjà utilisé ici

Et des comme ça, il y en a légion.

On en redemande, parce que si c'est un échec, on se ferait volontiers une deuxième saison, histoire d'échouer mieux.

[NDE -- note de l'esc@rgot -- on ne saurait que trop recommander le visionnage de La grande librairie du 17 janvier 2024  mais surtout l'écoute du podcast Le Book Club du 18 janvier 2024 en guise de savoureux compagnons à cette lecture]


Claro, L'échec. Comment échouer mieux



-- la suite sous peu










20 janvier 2024

En termine-t-on avec l'odyssée Horcynus Orca ?

Après trois bons (dans tous les sens du terme) mois de navigation,

dernière page de Horcynus Orca tournée, dernière phrase lue gorge nouée, phrase inoubliable, conduisant à approuver ce qu'en dit Roberto Saviano :

Phrase inoubliable, scène inoubliable, à l'égal du roman dans son entier --  trois bons mois... ailleurs.
On ne s'en serait pas/plus cru capable.
Car Horcynus Orca est un sacré voyage, un voyage au long cours - ne pas se leurrer.

Certains semblent l'avoir compris rien qu'en prenant l'ouvrage en mains (à défaut d'à bras-le-corps ?) : 


Oui, bon, plutôt être aveugle que de lire la chronique ci-dessus dans L'Obs (mini-chronique au demeurant, très très mini - on l'a lue, qui nous interroge : Didier Jacob a-t-il seulement lu Horcynus Orca ? On se prend sérieusement à en douter -- aparté : si j'étais payé pour faire des notules en ne lisant que la 4e de couv et en soupesant les bouquins, je serais riche)

On se permettra donc de lui opposer ce qui va suivre, déniché dans L'échec Comment échouer mieux (Claro -- éditions Autrement 2024) sur lequel on ne manquera pas de revenir... sous peu : 


Bref : Horcynus Orca, après avoir été taxé d'intraduisible, serait-il... illisible ?

Convoquons Antonio Werli, l'un des deux traducteurs :
"Plusieurs observateurs ont ainsi comparé cette oeuvre à la mer : la forme du récit, fertile en digressions et en flash-backs [...] le bain linguistique dans lequel apprend à se repérer le lecteur..."
Le bain linguistique dans lequel apprend à se repérer le lecteur.

Précisément.
Horcynus Orca demande d'avoir le pied marin (on va expliquer).

Postulat de base tout de même : on ose espérer que si vous avez acquis l'ouvrage, ce n'est ni pour caler un meuble ni pour en faire un banal serre-livres sur vos Billy (n'est-ce pas Didier Jacob ?)

Sachez donc que :


Vous êtes avertis, et un lecteur averti, etc.

 (Et si vous êtes néanmoins convaincu que ceci n'est pas pour vous ((je n'ai pas pu résister à la faire, celle-là)), lisez la chronique de Caroline Hoctan -- ça, c'est une chronique -- tout autant que celle de Pierre Ahnne)


Pied marin, donc.

Au début, vous, comme nous, allez ramer.
Principalement par manque ou perte d'habitude des romans de plus de 300 pages, mais aussi en raison du style, de la langue, des langues devrait-on dire ( et vous allez en apprendre une foultitude, tiquer sur ce qui ressemble à une coquille, ressemble a priori à une coquille -- rien n'est certain ni acquis d'avance dans Horcynus Orca)
Ah.
(on va prendre un exemple)


Le passage ci-dessus n'est que la partie émergée de l'iceberg -- on est au début de l'énormeroman -- mais notez le malagauche. Vu ? (il y en a d'autres du même acabit, on ne les citera pas tous, on vous laisse le plaisir de les découvrir -- sachez qu'ils sont tous parlants !). Maintenant, lisez l'extrait en entier.
N'y sentez-vous pas un... mouvement ? Un rythme ?
Est-ce que ça ne ressemblerait pas à... la marée ?
On a déjà évoqué ceci ici

Des ondulations de cette sorte, Horcynus Orca en regorge.
Et vous vous y habituerez, vous laisserez porter, vous aurez le pied marin -- et point de vogue la galère, ici, plutôt une croisière de... rêve (et de rêve il est maintes fois question).

On ne vous apprendra rien (du moins on le suppose) que la mer et la mort baignent ce roman -- pardon : cette odyssée.
La guerre aussi : suggérée, contextuelle d’abord, elle ne révèle son horreur que dans les dernières pages où sont d’ailleurs « rappelés », en partie, les principaux protagonistes — procédé théâtral ? À l’égal de la tragédie italienne des XVIe et XVIIe ?
Le rêve y a aussi une part importante.
Et le temps, comme s'il naviguait aussi, afflue, reflue, parfois au sein d’une même phrase. À l’égal d’un rêvéveillé dans lequel la réalité fait un pas de côté puis regagne (ou pas) le droit chemin. 
Antonio parlait de flash-backs : on ne peut plus vrai ; mais il y a aussi des flash-forwards, au coeur d'une phrase, d’un long passage — les temps varient alors, se mêlent, s’emmêlent, s’en mêlent  et, oui, dérivent. On l’a dit. 
Roman-océan.

D'Arrigo y convoque Homère et son Odyssée, la revisite, la tord à sa langue (ah, Ciccina Circé), on pense aussi à Joyce (en nettement plus abordable - lisible si l'on peut dire - à l'abordage !), à Gadda, on pense par moments au Against the Day de Pynchon, et on en oublie.

Qu'on ne se méprenne pas, il ne s'agit pas d'un patchwork, mais bel et bien d'un tout doté de sa propre, disons, personnalité, ou style, poésie, humour (dialogues croustillants), de son langage, dialecte, sa rythmique, ponctuation et de... sa symbolique.

Sa symbolique.

C'est précisément là qu'il faudrait creuser, lire, relire, les lignes, entre les lignes, chercher les indices...
Une vie y suffirait-elle ?
Une thèse ?

Vous l'aurez compris.

Après trois bons (dans tous les sens du terme) mois de navigation, une fois la dernière phrase lue, on n'en a pas terminé pour autant avec Horcynus Orca.
Ce roman gravé dans ses lecteurs.
Il y en a peu de cet acabit.
Grâce en soit rendue à Antonio Werli, Monique Baccelli et au Nouvel Attila.




Horcynus Orca — trad : Monique Baccelli et Antonio Werli, 1372 pages, 39 euros 90 — le Nouvel Attila — octobre 2023

-- la suite sous peu




10 janvier 2024

Le marché du mois is back (ou : que lire après Horcynus Orca)

Il y a bien longtemps, dans une coquille lointaine (& oubliée), un certain marché du mois
revenait avec une régularité aléatoire (sans passer par la case départ, ne touchez pas vingt-mille) et nanti d'images (floues, mea culpa) à caractère d'ambiance. En bref et pour faire court (sic), cliquez sur la catégorie idoine... dénommée non pas "idoine", mais "le marché du mois" (logique, Captain Kirk), vous comprendrez. Donc donc donc, le voici de retour tandis que l'on s'approche de la terre ferme après avoir navigué près de trois mois en mer de Charybde et Scylla à bord de l'incroyabladmirable Horcynus Orca, sacrefeu !
Ce marché du mois est la réponse à la question, ô combien épineuse après un tel roman océan&poustouflant : "que lire après" ? C'est fort de découvertes et conseils d'autres lecteurs d'arriguien & autres que l'on a opté pour ce qui va suivre, et, on l'a remarqué, diffère quelque peu des lectures des mois/années précédentes. On ne remerciera donc pas assez Benoît Virot, Henri, Pascal Leonard, Paninietzsche, et on en oublie (qu'ils veulent bien nous pardonner notre mémoire d'escargot). Single up all lines ! D'abord, pour rester en mer : Armen.
Ensuite : Paterson
Et encore : L'obscène oiseau de la nuit
Et pour le plaisir d'échouer sur la plage, coquillages et crustacés (clin d'oeil) : L'échec
PS : celui-ci nous demandera de rendre visite à un bouquiniste à portée de rames... sous peu Femme par magie
Vous savez tout. la suite sous peu