17 août 2008

Carte postale#6 : 2666 fin ?

Entremont, le 17 08 08
18h00 heure locale (i.e : ante apero Apremont) je viens de terminer 2666 de Roberto Bolaño.
Avec quelques jours d'avance sur le délai que je m'étais fixé.
Ceci devrait donc être la dernière carte postale.
Devrait, tant une telle lecture marque, laisse des traces, des portes ouvertes voire le sentiment d'être passé devant certaines portes sans les remarquer.
On devrait donc y revenir.
Ou pas, ce sera selon.
De même, ce matin, en reprenant le lourd volume, j'ai attaqué la lecture, fait rarissime, en prenant des notes plutôt que de corner des pages. L'intention : structurer davantage cette carte postale, la dernière.
Maintenant, j'abandonne l'idée tant 2666 me semble ne pas se prêter à un tel exercice. Du moins pour le moment.
Pourquoi ?
Parce que les références aux parties précédentes abondent - les citer toutes reviendrait à spoiler le texte, sa structure, l'histoire, ses histoires - parce que cette œuvre ''inachevée'' ne l'est pas tant que cela tout en l'étant : 2666 laisse de profondes traces chez le lecteur, qui n'a pas fini d'y repenser.
Tout comme il n'a pas fini de se replonger dans des romans d'une telle ampleur : il a retrouvé le gout des œuvres longues - bien que n'étant pas pharmacien (cf Cartes postales précédentes ici-même) - et attend avec davantage de confiance et d'impatience le long Contre-jour de Pynchon car il sait qu'il est désormais capable de lire plus de 1000 pages. Certes, encore faut-il trouver le temps pour ce faire ; il le fera, il le peut, même si cela lui prendra à l'évidence plus d'une semaine. Qu'importe. La lecture n'est pas une course.
Mais revenons à la ''fin'' de 2666.
Après la page 808, Reiter trouve par hasard des documents cachés par un jeune écrivain, Ansky, et lit, lit, lit. Un cahier. Dans celui-ci, la vie de deux écrivainsdevenus complémentaires : Ivanov - qui connaitra gloire et déchéance au temps du communisme des années 40 - et Ansky lui-même.
Quelques phrases de ce cahier :
'' Le désir est la réalité et vice versa''(p.811)
''Il e s'agit pas de croire, dit Ansky, il s'agit de comprendre, puis de changer.''(p.812)
On retrouve certains points d'ancrages avec les parties précédentes de 2666, parmi lesquelles : les apparences, le réel et l'irréel, la peur, les mexicains décrits comme ''mexicain, en réalité latino-américain, les rêves ''ceux qui allaient tomber dévorés par cette même révolution, qui n'était pas la même mais une autre, non pas le rêve mais le cauchemar qui se cache derrière les paupières du rêve''(p.826) etc etc.
Puis retour au récit de guerre qui oblique cette fois-ci vers l'horreur, la mort...à laquelle, une fois de plus, on s'habitue.
Puis Reiter écrit et cherche un éditeur, et pour cela prend un nom de plume : Archimboldi. En référence au quasi homonyme Arcimboldo évoqué par Ansky dans son cahier ?
''Arcimboldo, la fin des apparences. L'Arcadie avant l'homme.''(p.832)
Arcimboldo dont les tableaux offrent différentes visions selon qu'on les accroche dans un sens ou dans un autre. Arcimboldo, ''Tout dans tout, écrit Ansky.''(p.832)
Rieter l'ignore.
''Alors pourquoi adopter un nom de plume ? (...) Peut-êre que dans le fond je suis sûr que je vais devenir célèbre et avec ce changement de nom, je prends les premières dispositons envers ma sécurité à venir. Mais peut-être que tout cela signifie autre chose. Peut-être, peut être, peut être...'' (p.909)
De fait, Archimboldi ne deviendra célèbre que lorsqu'il n'aura plus le gout ou l'envie de suivre sa carrière et que des universitaires le feront à sa place.
Quant à la ressemblance physique entre Archimboldi/Rieter et Haas évoquée il y a quelques jours
''Parfois, dit Ingeborg, lorsque nous faisons l'amour et que tu me saisis par le cou, il m'est arrivé de penser que tu étais un assassin de femmes''(p.879)
celle-ci trouve son dénouement p.988. On n'en dira pas davantage : no spoiler.

On peut voir dans cette Partie d'Archimboldi comme une table des matières des parties précédentes, dont les renvois aux pages seraient allusions, références, reflets, échos, personnages.

Et 2666 ?
On fera court, sans omettre de renvoyer aux divers papiers publiés sur fricfracclub.blogspot.com libellé 2666 dont la lecture s'impose :

''l'histoire, qui est une putain toute simple, n'a pas de moments déterminants mais est une prolifération d'instants, de brièvetés qui se disputent entre elles la palme de la monstruosité.''(p.900)

Ce qui s'avère exactement ce que disait Fausto, à propos de Roberto Bolaño, dans Tabula Rasa (déjà cité ici-même dans la carte postale#1) :
''"Projet d'une vie, sommet de son travail sur la relation entre horreur et art"

Il ne pleut plus à Entremont.
Demain au moins il doit faire beau.
Et je ne sais plus quoi lire : tous les ''gros romans'' dont j'avais sans cesse reporté la lecture sont restés dans ma coquille marseillaise...
Mais j'ai plutôt envie de relire mes notes d'aujourdhui et les nombreuses pages cornées de 2666.
Puis de reprendre à zéro ''Les détectives sauvages'', que je n'avais pu terminer.

La suite sous peu.

4 commentaires:

  1. Je suis dégoûté... Y'a plus que seppuku pour refaire mon honneur.
    Sur le cul ou dans le cul, je vais en faire un haïku...
    Adios, heureux de t'avoir connu, g@rp...

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  2. Manu ! Tu veux un coup de pied dans l'aiku ? (celle-la n'est pas de moi)
    Non seulement tu vas me terminer ces 150 pages - qui s'engloutissent avec un plaisir goulu - et pondre un zouliachtebo papier comme tu sais les faire. Suis sur d'avoir rate des choses. Des tonnes d'allusions, des trucs sur la construction, la superposition des parties, etc etc.
    Allez, nez dans le guidon, Partner ! Tu peux, tu vas le faire !

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  3. Si je fais un papier sur 2666 ce sera sur ce que j'ai envie d'appeler la partie des rêves. Je suis convaincu, à la lecture, que dans les différents rêves qui parsèment le récit (il doit y en avoir pas loin d'une centaine) se dessine une structure et une clé du texte. On observe dans ces songes une récurrence de thèmes et un déroulement particulier, qui en fait, selon moi, un ensemble assez cohérent et qui déborde de la construction en cinq partie du roman.
    Bref, je vais essayer de faire quelque chose là dessus, mais je tremble devant l'ampleur de la tâche.
    Biz

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  4. Beau boulot g@rp, très belle lecture, très rapide !
    Fonce relire les Détectives Sauvages. 2666 n'est pas une suite à proprement parler, mais comme toujours chez Bolaño, les livres se répondent car ils sont chacun des excroissances narrative de l'autre. En ce qui concerne ces deux monuments, ils marchent ensemble.

    Manu, c'est une excellente idée ta "partie des rêves". Ca me semble, maintenant que tu le dis, évident qu'il faut faire quelque chose là- dessus.

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Single up all lines, Chums !