20 février 2009

Das Kapital - Viken Berberian : une tapisserie codée de ses motifs

Un arrêt maladie, on en rêvait : le temps enfin dilaté, généreusement offert par une cochonnerie virale ; enfin pouvoir en profiter pour attaquer par le fondement la pile de "à lire".
Quand ? disait-on l'autre jour.
Maintenant, dit-on en toussant, les yeux larmoyants, abrupto exorbités, et la tête pulsant sous les coups de boutoirs d'une céphalée au beat technoïde (ayeu bobo).
Das Kapital, donc, de Viken Berberian.
Peut-être pas le roman idéal à lire lorsqu'on dispose d'une courbe de température éprise de liberté et s'envolant à l'inverse des cours de la bourse.
Ou peut-être que si.
Das Kapital.
Nanti d'un capital [pas fait exprès, celle-là] sympathie car se déroulant en partie à Marseille [on ne reviendra pas sur Malmousk (sic), déjà évoqué ici-là], Das Kapital se laisse lire sans grande difficulté. En effet, point trop ici de termes spécifiques aux traders et autres hedge fund, sinon pour l'ambiance, serait-on tenté de dire, ou asseoir le personnage principal. Un des personnages principaux, puisqu'ils sont trois.

1/Wayne.
Impossible de ne pas penser à Bruce, alias Batman, et qui sait si Viken Berberian ne l'a pas fait exprès, au demeurant [voir l'allusion à Gotham p.71]. Et de Batman à Bateman, american psycho de Ellis, il n'y a qu'un pas (hop). Warning : le Berberian's Wayne n'a rien du psychopathe de Ellis -- encore que cela puisse se discuter ; leurs modus operandi sont différents, le Wayne de Das Kapital "nettoyant" à plus vaste échelle et, disons, légalement. Ou presque.
Impossible de ne pas faire le rapprochement en lisant, par exemple et entre autres morceaux choisis, l'étalage de marques qui suit :
Il enfila sa chemise Perry Ellis, attacha une montre Carrera autour de son poignet, la première à combiner la précision à la seconde près avec une lisibilité immédiate. Il alla dans la cuisine et ouvrit le réfrigérateur, qui était quasiment vide à l'exception de deux kiwis, d'une bouteille de San Pellegrino, d'une douzaine d'oeufs de caille provenant de chez Dean & DeLuca, et de deux boîtes de caviar Petrossian.

Wayne : matérialiste au possible bien que navigant dans un monde totalement immatériel dont il tire (ou tente de tirer) les ficelles en spéculant/provoquant la chute de son double réel.

2/Le Corse.
Corse, of course, on s'en serait douté. Licencié suite à la faillite de l'entreprise dans laquelle Wayne détenait des parts. Amoureux de la nature. Mais puisque Corse : terroriste [on n'en dira pas davantage].

3/Alix.
Étudiante en architecture, vivant à Marseille, bondissant de toit en toit [Cat Woman ?], bombe [dans tous les sens du terme] volage lâchée dans les pattes de Wayne par Le Corse, son amant et futur ex.

Ces trois-là, selon leurs pulsions, vont se croiser au gré d'une valse...à trois temps, entre New-York, la Corse et Marseille. Entre réel, virtuel, finance. Voire le temps. Ou l'écologie. Ou même : quelques phrases.
Celle-ci, par exemple, qui revient à un moment ou un autre chez chacun, à quelques pages d'intervalle, lorsque la nature est évoquée :
"ses épines, ses ronces et ses buissons, la précision têtue de ses cycles, son calendrier prédéterminé, la tapisserie codée de ses motifs"

On tient peut-être bien là la phrase clé de Das Kapital.
Car qu'est-ce donc, au final, que Das Kapital ?
Une histoire hors du temps [pour preuve l'effondrement du Crystal Palace et la note de bas de page précisant que sa destruction date en réalité de 1882...alors que l'incendie eut lieu en 1936 (!) -- Viken Berberian se serait-il amusé à brouiller les cartes, toutes les cartes ?

Das Kapital ne serait-il qu'une farce tout entière dédiée à l'artifice ? à l'illusion ?], une histoire d'amour, tragique comme il se doit, de marchés financiers [sous titre original : A novel of love and money markets] et d'écologie. Une tapisserie codée de ses motifs ? Certains l'ont remarquée aussi.
Le mélange laisse perplexe. On accroche au début puis on se laisse porter, non pas sans intérêt mais sans intérêt majeur, avec parfois une pointe d'agacement face à certaines phrases trop lyriques ou sentant trop l' "écrit pour le faire". En revanche, il est indéniable que tout le monde en prend pour son grade : traders, terroristes, écologistes, postmodernes. Là, oui, on sourit. Là, oui, la 4e de couv ne ment pas : c'est bel et bien "iconoclaste".
D'où le "se laisse lire", plus haut. Sans déplaisir, juste un "tout ça pour ça" final.
Peut-être bien dû aux conditions de lecture évoquées plus haut.
Peut-être pas.
Une chose est toutefois certaine : dans le catalogue de Gallmeister, Nature writing et polars écolos, Das Kapital ne dépareille pas.

Das Kapital - Viken Berberian - traduit de l'américain par Claro - Gallmeister


La suite sous peu.

6 commentaires:

  1. La communication précédente : Cosmic Trip, c’est savouricieux.
    Encore une triade, coïncidence. Des chiffres, des diagrammes qui provoquent, sans conscience aucune, des tragédies puisque les conséquences de ces jeux d’argent virtuels ce sont des enfants si jeunes qui meurent de faim dans le monde, combien par jour ? Mais ce chiffre là n’intéresse pas, la livre de chair de l’enfant ne compte pas.

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  2. Merci pour ta visite et ton commentaire, temporel.
    Juste une précision par rapport à ce que tu dénonces à juste titre : il y a une morale, dans Das Kapital.
    Contrairement à notre mondactuel.

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  3. Bon, très bon papier, partner...

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  4. Ce dont je n’ai pas douté un seul instant.

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  5. Les chums ont raison ! L'exemple de phrase lourdaude donné par Chronicart me décourage un peu, mais vtu me donnes quand même envie d'aller voir comme une grande ce que j'en pense, hinhin.

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  6. Alors que je pensais que mon commentaire suivrait le tien, il se trouve qu’il y a un commentaire entre nous que je n’ai pas vu afficher sur ta page, j’ai dû oublier de rafraîchir ma page pour le voir ou il a été diffusé plus tard et comme le commentaire s’affiche en différé il est normal que tu suives l’ordre chronologique des arrivées. "Ce dont je n’ai pas douté un seul instant" répond à ce que tu disais sur le fond du livre à savoir sa morale. Mon commentaire étant placé après un autre commentaire ça donne l’impression que j’aurais un doute sur les intentions de l’auteur de Das Kapital, ça ne peut pas être possible puisque je n’ai pas encore lu le livre et mon premier commentaire réagissait aux liens que tu as mis sur les fonds de couverture, ses opérations boursières et virtuelles qui engendrent la misère dans le monde.

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Single up all lines, Chums !