19 juin 2010

[extraits coups de cœur] CosmoZ - Claro - Actes Sud - 08/2010

Déjà dit hier, en forme de faux scoop, le 18 août, chez Actes Sud : CosmoZ, de Claro.
Un (très tout petit) peu moins de deux mois à attendre - deux (gros longs) mois à baver.
Donc donc donc.
Pour patienter et pour ceux qui ne facebookent pas : trois extraits.
Copy/pastés de la page CosmoZ.
(On a aimé. Donc donc donc : on partage.)
Les voici dans l'ordre d'apparition à l'écran.
Extrait#1 :

Elfeba et Dorothy croisent un convoi de jeeps, mais personne ne prête attention à elles. Une heure plus tard, au détour d’un buisson, elles se retrouvent au seuil d’une petite vallée encaissée et voient alors, grossi à sa taille réelle, le point qui a attiré leur attention un peu plus tôt.

La chose est si énorme qu’il leur faut en faire plusieurs fois le tour avant de se prononcer sur sa nature.

C’est une baleine et seul le vent respire encore en elle. Peu importe d’où elle vient, si des océans retirés des milliers d’années plus tôt ne l’ont échouée ici qu’enfin, peu importe si le ciel l’a oubliée en s’imaginant soudain ressac, le fait est qu’elle repose bibliquement à même la terre des Indiens fantômes de l’antique Oscuro, morte aux apparences, la peau poinçonnée par la confrérie des crabes, les évents encore tièdes et vibrants, sa nageoire caudale toute grêlée de sable et de mica, imposante dans le silence de ses origines, et comme proportionnée à l’oubli où elle va.

Affranchie des derniers vestiges de sa monstruosité, elle projette, en une aberration insolente, son ombre vers le ciel, laquelle devient nuage, nuage noir.
Non loin de là, les savants de Los Alamos parlent d’orage imminent et refont leurs calculs.


Extrait#2 :
C’était davantage qu’un poste de télévision : c’était un ct-100. Serti dans un meuble en acajou, l’objet occupait une place de choix dans le salon de Matthew Ostrowski, quelque part à Sacramento, Etats-unis. Et la raison pour laquelle semblait émaner de l’engin une petite bulle proclamant “Je dépasserai toutes vos espérances” était simple : ledit téléviseur était doté
d’un écran à tube cathodique et à masque perforé qui utilisait des couleurs phosphorescentes dont la chromaticité correspondait au standard ntsc. Les rouges et oranges du ct-100 étaient plus riches et plus saturés que le rouge-orange et le vert-jaune dont s’enorgueillissaient jusqu’ici ses prédécesseurs. De là, une gamme de couleurs plus étendue, moins timorée. En outre, son masque perforé planaire et son écran à luminophore plat étaient suspendus dans une enveloppe de verre ronde et il disposait d’un syntoniseur à barillet à seize positions, capable de recevoir toutes les combinaisons de chaînes vhf et uhf, fournissant ainsi une image de 45,75 mégahertz et une sortie son if de 41,25 mégahertz. une merveille, en somme, alimentée par 19 500 volts au moyen d’un redresseur 3A3 et d’un stabilisateur en dérivation 6bda. un SynchroGuide horizontal conventionnel s’occupait du reste. L’appareil en question avait coûté près de mille dollars à Matthew Ostrowski, mais ce dernier ne regrettait rien, surtout pas en ce jour de fête où la chaîne cbs avait décidé de diffuser son film préféré, celui qu’il avait vu dix-sept ans plus tôt au Grauman’s Chinese theatre de Los Angeles, le 15 août 1939 précisément, et pendant la projection duquel, à la dix-neuvième minute, il avait réussi, alors que cette pauvre dinde de Garland ouvrait la porte de sa maison pour s’aventurer dans le merveilleux pays d’Oz, à glisser sa langue, non sans insistance, dans la bouche de celle qui, aujourd’hui, au même moment mais dans une autre pièce, contemplait son reflet dans le miroir de sa coiffeuse, une brosse arrêtée dans ses mèches blondes, en proie à une irréversible fêlure, tandis que les deux enfants nés en quelque sorte de ce baiser made in Technicolor®, John et Margaret Ostrowski, respectivement quatorze et seize ans, étaient assis dans la cuisine, devant le poste de radio – un Philips hf 538A encore tout rutilant –, en train d’écouter le dernier bulletin d’information, lequel faisait état de troubles en hongrie, à Budapest.
On était le 3 novembre 1956 au soir et Matthew se réjouissait de revoir – enfin ! – ce film ô combien séminal à ses yeux, Le Magicien d’Oz, diffusé pour la toute première fois à la télévision, qui plus est en couleur, grâce à la coûteuse magie de son ct-100 flambant neuf.
Mais que fabriquait son épouse Cecilia ? Sur la table basse, des blancs de poulet patientaient entre une pile de toasts triangulaires et un bol de pickles, assistés par deux Budweiser encore toutes scintillantes de condensation.
Extrait#3 :
Si le néant est juste une habitude, si mourir n’est qu’un exercice, eh bien me voilà parvenu au bout de la boucle, là où la fleur du même ose enfin recracher sa graine : nous ne sommes que la vengeance de la différence. Oui, quelle belle cervelle que celle qui accouche de cette non-philosophie. Quelque part, je sais que je suis toujours dans ce champ à la croisée des chemins, empaillé et crucifié, insipide et filandreux, à la fois pitre et menace, perchoir à bêtes noires, à bêtes cruelles. Les cris des becs, les gifles des ailes, me faut-il une dernière fois les appeler de toute ma détresse ? C’est toujours la même chose : une douleur me réveille, me transperce, de part en part, non, de paille en paille, c’est peut-être ça le renouveau de la dernière des choses mortes.


Conclusion : on bave toujours.

La suite sous peu.


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