On apprend de
Claro, dans son
Arithmétrique, qu’
Against the Day, le roman de Thomas Pynchon, avoisine les
444 400 mots.
On apprend du même, que « lire Pynchon, c’est réapprendre à lire ».
Bien.
Stanislas Dehaene étant professeur au Collège de France, on se servira de ses observations pour réapprendre.
Il est certes possible de s’entrainer à optimiser nos saccades visuelles, mais la plupart des bons lecteurs, qui lisent aux alentours de 400 à 500 mots par minute, sont déjà proches de l’optimalité : avec le capteur rétinien dont nous disposons, il n’est sans doute pas possible de faire beaucoup mieux. On peut démontrer que ce sont bien les saccades oculaires qui limitent notre vitesse de lecture. En effet, si l’on supprime la nécessité de bouger les yeux en présentant les mots sur ordinateur, l’un après l’autre, au point précis où se fixe le regard, un bon lecteur peut atteindre des vitesses de lecture faramineuses : 1100 mots par minute en moyenne, 1600 pour les meilleurs – soit trois à quatre fois plus que la lecture normale, et environ un mot toutes les 40 millisecondes ! Avec cette méthode de « présentation séquentielle visuelle rapide », l’identification et la compréhension restent satisfaisantes, ce qui montre bien que la durée de ces étapes centrales n’est pas contraignante dans la lecture normale.
(…)
Quoi qu’il en soit, tant que le texte reste présenté en pages et en lignes, c’est bien son acquisition par le regard qui ralentit la lecture et constitue une limite incontournable (…) Sans doute est-il possible d’élargir un peu son empan visuel afin de réduire le nombre de saccades. On peut également apprendre à éviter les régressions, ces moments où le regard revient sur des mots qu’il vient de parcourir. Mais on ne saurait dépasser les limites physiques de l’œil, sous peine de sauter des mots et donc de perdre le fil du texte.
Souvenons-nous de l’expérience de Woody Allen :
« La semaine dernière, j’ai suivi un cours de lecture rapide – et ça a marché ! Hier, j’ai lu tout Guerre et Paix en une heure. C’est une histoire de Russes… »
Les neurones de la lecture – S. Dehaene – p.42 – Odile Jacob – Oct. 2007
Ne pas omettre toutefois ce que note la p.41 :
Chaque lecteur adapte son exploration visuelle en fonction de la langue qu’il pratique.
Démonstration [on notera, en préambule, la présence de « monstre », dans « démonstration » - mais passons.]
Prenons un « bon » lecteur, doté du capteur rétinien adéquat – tant qu’à faire.
À, disons, 450 mm [mots/minute], il lui faudra 987,55555555555555555555555555556 minutes pour engloutir le dernier Pynchon – à la louche, en supposant que l’inglich soit son native – ou presque – langage.
Re-bien.
Même si on frémit – le bon lecteur ressemblant toutàtrac à un droïde… (rêve-t-il de moutons électriques ?)
Mais tout cela n’est que pipi de sansonnet et roupie de chat, face au « freak lecteur » qui, sous nous, s’avance. Ce Frankenstein de la lecture, auquel on a carré un écran au ras de la rétine, et qu’on bombarde de mots pile poil au point précis où son regard se fixe – j’ai failli taper « se fige ».
Prenons-le en pitié, ce pauvre lecteurat de laboratoire, et attribuons-lui la « faible » capacité d’ingurgiter – après tout, il n’avait rien demandé, hein ? – seulement 1100 mm[cf. supra]
Against the Day ?
Une bouchée de pain avalée en 404 minutes !!!
404 ? comme : impossible d’afficher la page ? [je vous jure que je ne l’ai pas fait exprès]
On est en droit de s’interroger quant à sa faculté à réellement saisir le sens des phrases V2 du Pynch…
N’empêche : ça fait effroi dans le dos.
Tout compte fait [sic] restons gaulois, et comptons en signes.
La suite sous peu.