9 septembre 2007

O Révolutions : chronomosaïcritik

pORtrait RobOt (Révolutions) - ou The Now Here Found Critic

by

The Ontologique Atrabilaire Copy Pasteur.

Mais quelle mouche a donc piqué un zébulon survolté, ancien dyslexique, fort en maths et en latin dopé jusqu'aux yeux, gaillard athlétique et souriant, à la physionomie bonhomme, aux traits bien dessinés et des yeux noisette ?

En détaillant son visage, on s'aperçoit qu'il ressemble à ces belles gueules de cinéma, un mélange entre Marlon Brando, Bruce Willis, avec en guise de cage thoracique, une caverne entre les côtes, ce qui explique peut-être la bosse - des mathématiques ? - qui orne le front de cet auteur con, pédant, roublard et atrabilaire, qui répond par aphorismes d’une voix d’ogre, en se fichant éperdument des frontières entre les genres.

Fort de son précédent succès et surestimant sans doute ses capacités d’écrivain, comme pour mieux prouver au monde entier qu’il serait le nouveau Joyce, pas moyen d’appliquer les critères normaux du jugement littéraire à son OVNI aux multiples dimensions : on est bien en peine d’émettre une opinion claire à son sujet. Plusieurs lectures sont sans doute nécessaires pour s’en faire une idée juste – sans parler d’en faire le tour.

- Am I just stupid ?

La forme :

Ce livre objet sans verso, sans revers, à double face, carcasse conceptuelle vide, typographie Oui-Oui au pays des jouets, nanti d’un lyrisme adolescent des plus fatiguant, composé de deux parties tête-bêche, deux récits d’une même histoire d’amour entre deux ados de 16 ans pour toujours, qui se lit par les deux bouts, est emballé dans une couverture sur laquelle figure un énorme iris.

Les pages de garde tournées, le lecteur perd ses repères dans ce qui ressemble à un labyrinthe typographique, et qui se trouve être en réalité une construction mathématique achevée, jouant avec les typographies et les couleurs. Des textes couchés tête-bêche, des lettres de couleur, des notes dans les marges, des caractères de différents formats. 360 pages de 360 mots, répartis en quatre textes de 90 mots, dans O Révolutions, l'arithmétique prend le pas sur la littérature. La page, dans un sens ou dans l’autre se divise en trois. Un autre petit bloc de texte dont on n’a toujours pas compris le sens, alors que presque tous nos sens sont sollicités : le toucher, la vue, l'ouïe. L'auteur a voulu cette synesthésie par laquelle les lettres se teintent et résonnent comme des cymbales.
Malheureusement, les codes, les sons, les virages à 360 degrés que le lecteur s'impose durant les récits de Sam et Hailey Heather escamotent le plaisir de lecture, la qualité littéraire et le sens même des mots. Le tout, bien sûr, dégage un fort parfum de virtuosité et peut même susciter, à ce titre, le rejet ou la lassitude. Le parcours ressemble plutôt à une promenade hypnotique dans un champ de mines. L'ensemble s'inscrit dans une sorte de cercle qui renvoie à l'enfermement (celui de la passion) et à la révolution, c'est-à-dire au tour complet sur soi-même. D'où les 360 pages du livre, chacune composée de 360 mots, 360 mots par pages, 4 pavé de 90 mots (répartis en quatre blocs égaux : les deux monologues, chacun flanqué d'une colonne d'événements historiques censés jalonner le parcours des personnages), et la nécessité pour le lecteur de tourner le livre à 360 degrés pour passer d'un récit à l'autre, chaque page contenant deux blocs de 180 mots, et trois entrées, eux-mêmes subdivisés en deux parties.
Au plus près du mitan, se trouvent en colonne des références historiques, qui vont de 1863 à 2063 (mais après 2005, les événements restent à écrire) La vision de Sam se lit par un bout, celles d'Hailey et Heather, par l'autre bout. Chez Sam, les «O» sont verts (il a des «Yeux Verts pailletés d'Ors» ), chez Hailey et Heather d'or ( «Yeux Dorés pailletés de Vert» ), et si l’on n’avait pas compris, les « O » d’une version sont en bleu et les « O » d’une autre en rouge, tandis que la lettre « O » est en vert ou en marron, donc comme leurs iris respectifs. C'est surtout et avant tout une mécanique de très haute précision, à l’allure de jeux d’enfant gâté et creux, magnifique ensemble de rouages dont l'enchaînement parfait, broyant au passage la plupart des conventions littéraires, laisse à la fois perplexe et admiratif, derrière les trucs et les artifices de leur créateur roublard, en retard de 360 trains, qui tourne à vide et seulement sur lui-même et bouleverse nos habitudes de lecture. La prose d' O Révolutions, inventive prend et séduit, incontestablement. Pas seulement par son bouillonnement mais aussi grâce à la violence brouillonne qui émane des protagonistes. Crasse, viol, insulte, drogue, ombre de la camarde, les tourtereaux ne sont pas nés de la dernière pluie, et leur liberté a un goût de sang et de sperme. Pour qui aime l'expérimentation et le bruit des mots qui s'entrechoquent, O Révolutions marquera.

L’histoire d’amour ado-circulaire :

La rencontre de deux adolescents de 16 ans, Sam, Hailey et Heather, les narrateurs des deux faces du roman, qui s'éprennent passionnément l'un de l'autre au premier coup d’œil et se jettent à corps perdu sur la route en quête de leur liberté. Sur les routes, dans une sorte de road-movie, pas un road-book, frénétique, les deux amoureux traversent les États-Unis à bord de plusieurs véhicules, de la Pennsylvanie au Montana en passant par Saint-Louis et la Nouvelle Orléans, et finissent dans un fossé, leur amour absolu les ayant condamnés au repli et, finalement, à la mort ; jusqu'à terminer le livre... en son milieu. Deux adolescents de 16 ans, deux personnages plutôt attachant, qui nous mettent en garde. Hélas la forme choisie par Mark Z. Danielewski n'étant rien de moins qu'élitiste, nous risquons fort de passer en masse à côté du message. L’auteur s'est largement planté dans sa tentative d'écrire "le grand roman américain" et n'est pas le grand romancier que tout le monde attendait. Son livre contient assez de pistes et d'idées mal exploitées, qui n'en sont pas moins intéressantes. Faites-vous une idée vous-même : ultra-chiant. Récit rachitique (il aurait pu se contenter d'une nouvelle ou d'un poème de 150 pages), procédé téléphoné ("O Révolutions", "révolution à 360°", etc...), illisibilité du machin (au contraire du magnifique Saison des Meules), bref, raté, chiant et prétentieux (user de toutes les ficelles de 50 ans et plus de littérature expérimentale dans un même livre... pfff)

«J'esquive ce filou follet/qui caragalope et laisse/filer mes bulles fuselées./Un élan laminant de joie/Echaudée je bous.»

Ce qu’en dit l’auteur, interviewé non interviewé :

O Révolutions célèbre le printemps, la faune, la flore, parmi lesquels Sam et Hailey sont deux enfants sauvages. Ce livre, qui n'est pas une énigme ou un puzzle, ne donne pas à réfléchir. Il est un machin" curieux, "multidimensionnel", que personne ne pourra jamais lire sur ordinateur. Il faut le vivre dans l'instant. Je voulais faire quelque chose de complètement neuf, de sorte qu'il n'y ait plus d'attentes pour le prochain, seulement des questions. O Révolutions est l'expression de la liberté du cœur et celle du libre arbitre, et représente le danger qu'il y a à pratiquer ces deux formes de liberté. Plus simplement et en d'autres termes, il s'agit de l'amour, du suicide et de la route américaine, Cela intensifie les choix et la manière, et quand des recherches sont nécessaires, accélère le processus. Toute connexion est, par la nature même de son fonctionnement, toujours emprunte de conséquences. Plus nous sommes coupés des autres, plus nous sommes désemparés et plus nous avons de chance de succomber à l'inanité et la désillusion engendrées par cette vision magique du monde. Au contraire, plus nous sommes connectés, plus nos existence sont empreintes du pouvoir de notre raisonnement et de la qualité de nos émotions. On peut tout faire quand on est jeune, on se sent invincible, on a envie d'explorer le monde. La forme du livre représente la manière dont la relation entre Sam et Hailey évolue. Et physiquement, par cet objet tridimensionnel, le lecteur expérimente cette relation. Je ne me dis jamais que j’écris des romans. J’écris des livres.

Le traduttore :

Traducteur d'auteurs dits intraduisibles, il a réinventé ce langage, en puisant dans un vocabulaire oublié, démodé ou dans les créations de son cru. Et il y en a d'extraordinaires, en particulier dans les innombrables néologismes, comme "tourister", "fanaccro", "batifrôler" ou encore "déglaviote »

Ce qu’en dit le traduttore :

Je suis attiré par les livres qui engendrent leur propre forme, un projet à la fois ludique et hystérique, et traversé par le fantasme du livre-monde qui oblige le traducteur à inventer lui-même son mode de traduction. J'en ai profité pour aller chez l'opticien et m'acheter des lunettes, le plus important étant, à mon sens, la musique et l'invention verbale ; il s'agissait de n'être pas en perpétuelle hésitation.

Et c'est en savourant cette "liberté enchaînée", qui oblige à des contorsions inhabituelles mais jouissives, qu'on est en mesure alors de créer de façon assez "naturelle" tout un nouveau lexique. Le travail de traduction est vite devenu très hypnotique. Il convient peut-être de rappeler cette distinction que faisait Gilles Deleuze entre style et écriture. Là où certains auteurs font du style (c’est le côté “dictée appliquée” des auteurs français, par exemple), d’autres habitent l’écriture, c’est-à-dire qu’ils appréhendent la langue comme un ensemble de vitesses, d’intensité, de disparitions. Par tradition, les auteurs américains sont plus du côté de l’écriture que du style. C’est important de comprendre cela.

Comment le lire ? Par séries alternées de huit pages ? Tout Sam puis tout Hailey ? Je ne sais pas trop. Aussi le lecteur doit-il se débrouiller avec les répétitions et les différences. Vous savez, je suis moi-même un peu con, pédant et atrabilaire…mais l'intérêt des journalistes littéraires, c'est qu'ils vous font découvrir des livres que vous pensiez connaître sous un nouvel angle. S'exprimer quand on n'aime pas un livre est autorisé : c'est une évidence. Même si s'exprimer n'est pas toujours évident. Ou alors trop. Quoique.

J’aime le livre, je ne veux pas le fétichiser. C'est un préjugé de dire qu'il faut lire seulement d'une certaine manière. Certaines audaces sont plus naturelles aux écrivains américains qu’aux autres, notamment aux auteurs français. O Révolutions est cependant moins un hommage à Joyce et à l’Oulipo qu’une folie shakespearienne. Il fallait presque « rêver » cette traduction.

Tout le monde trahit le Rêve, mais qui s’en soucie ?

Allez, une petite pensée pour Alphonse et Hailey, qui disaient, facétieux : "Si on se mettait à composer les blogs avec de seules véracités, ils tomberaient du coup au format d’une disquette."

O Convolutions Révolutions

Mark Jack OZ Rapielewski Danielewski

D’ailleurs que chez Père Nowell, Denoël

[Pas de suite sous peu]

Hope so…

1 commentaire:

  1. Cette méga recension est propremment monstrueuse, tu viens d'inventer la freak-critic. Nous v'là bien.

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