27 mars 2009

[flash spécial] Cyclocosmia II : le sommaire !



CYCLOCOSMIA II
- totem : condylura cristata
- mots-clefs : bulle, étoile, nourriture
- dossier : José Lezama Lima



- parution : juin 2009
- 125 x 202 mm - 208 pages - 22 euros
- ISBN : 978-2-9528908-9-2


On attend désormais deux choses :
-- l'image de la couv
-- le mois de juin !

La suite sous peu (mais avec impatience)

24 mars 2009

Daniel Sada - L'Odyssée barbare : note de lecture#4

Rappel : [pourquoi/comment et note#1] [note#2][note#3]

...abruptement : maintenant !



*Première période
-Chapitre neuf :

Chapitre important tant par les événements qui s’y passent que par les révélations/éclaircissements qu’il apporte.
Ainsi, on y croise un certain Don Venulo rendant visite à Cécilia, dont il est amoureux depuis que celle-ci était célibataire (à rapprocher de la durée que représente les noces d’argent de Trinidad et son épouse). Cette scène se déroule pendant que Trinidad est parti à la recherche de ses fils (encore une nouvelle parenthèse, une mise en parallèle). Don Venulo dont on apprend la véritable nature (encore que) de la bouche même du narrateur :
« Venulo, soit dit au passage, ou à propos, où à la dérobée… banal falsificateur aux yeux de beaucoup » (p.39)

Falsificateur : mensonge, réalité déformée toujours. Mais « aux yeux de beaucoup » ne signifie pas aux yeux de tous…
Venulo, auquel Trinidad ne cesse de se référer.
Venulo qui, de son propre aveu
« ne prétends pas être un exemple, mais je reçois constamment une foule de rumeurs, des visions infaillibles, et tout cela sans sortir de chez moi » (p.41)

Rumeurs, encore.
Visions infaillibles ?
Mensonge, si l’on en croit (mais peut-on croire un falsificateur ?) toujours Venulo qui ajoute :
« analyse en détail le pour et le contre de toute affaire qui se présente, c’est comme si je la plumais et la dépeçais » (p.41)

Venulo qui se laisse aller à trop parler :
« votre mari a perdu la tête parce qu’il n’en fait pas le même usage que moi »

Et, plus fort encore :
« à présent on en arrive au point névralgique, accrochez-vous !, au fin du fin, car si l’on en croit les rumeurs logiques (…) »

Rumeurs logiques ?
Venulo trop bavard, emporté par sa fatuité ; il n’en faudra pas davantage à Cécilia pour comprendre ce qu’on se gardera bien de révéler ici, si ce n’est que la réalité qu’elle imaginait n’était que déformée. Il ne lui reste alors plus qu’à espérer
«tant bien que mal : la reconquête ? »

Outre Venulo, Cécilia reçoit une étrange – et inquiétante ? – visite dont on soupçonne qu’on en apprendra davantage plus tard…
Ce chapitre se termine sur une « obscure connexion » entre Cécilia et son époux Trinidad qui, chacun de leur côté, regardent les étoiles. L’ultime phrase du chapitre laisse, peut-être à tort, une impression de drame imminent :
« Il repartirait demain. Dormir dans une sorte de sépulcre, peut-être dans une paix sacrée, pendant un délai énigmatique. » (p.47)

[Parenthèse] : Une question surgie d'elle-même pendant la rédaction de cette note.
Venulo...comment ce nom pourrait-il être traduit ? En latin, on trouve bien trace d'un Venulus dans L'Enéide d'Ovide :
Lv. XI :
Haec effatus equum in medios, moriturus et ipse,
concitat et Venulo adversum se turbidus infert
dereptumque ab equo dextra complectitur hostem
et gremium ante suum multa vi concitus aufert.

Sur ces paroles, prêt lui aussi à mourir, il pousse son cheval dans la mêlée,
et comme une trombe va se porter au-devant de Vénulus.
Il fait tomber son ennemi de cheval, le saisit dans ses bras,
et, avec une force sans bornes, l'emporte serré contre lui.

Ce qui ne nous avance guère. D'autant plus que du côté mexicain, on n'a rien trouvé - hop ! on oublie ce moment d'égarement.
[/Parenthèse]


*Première période
-Chapitre dix :

De nouveau un flashback, de plus de trente ans cette fois-ci, qui nous présente Trinidad sous un jour nouveau : l’envers, le côté sombre de ce personnage pour lequel, au terme du chapitre précédent, on pouvait éprouver une forme de sympathie.
Ici, on en vient pratiquement à comprendre la haine des fils de Trinidad, l’animosité des gens du village envers ce menteur, flemmard…entre autres. Peut-être apprend-on ici « le détail connu encore en suspens » du chapitre six ? Ou un des détails connus encore en suspens… Quoi qu’il en soit, on peut se demander si tous les acteurs de cette « pantomime générale » sont bien ce qu’ils paraissent être.


*Première période
-Chapitre onze :

Retour au présent (encore que rien ne soit plus aléatoire que cette affirmation).
Le village semble enfin se réveiller et est en proie à une certaine agitation. Il est question d’annuler les élections
« Conséquence : l’épisode du massacre, le despotisme exagéré et répugnant » (p.55)



À l’écart de…la rumeur, Trinidad rentre de la grotte du Pied-Bot, sans ses fils, hésitant entre la satisfaction d’avoir entrepris ce périple et l’amertume de son échec.
Il sera pourtant accueilli à bras ouverts par une Cécilia transformée, dans un passage qui oscille entre sensualité…et humour. Sans vouloir, là non, plus tout dévoiler, il sera intéressant de noter l’importance d’une boite d’allumettes, écho d’une certaine allumette ayant fait défaut à Trinidad dans le désert lors des chapitres concernés.
On l’a déjà dit : l’anodin, s’il l’est sur le moment, peut devenir important plus tard…ou l’avoir été.
La fin du chapitre est un régal d’humour dont on ne peut révéler qu’une chose : si Cécilia ferme la boutique pour ne voir personne de la journée (« Maintenant c’est mon tour » p.59) et que Trinidad souhaite la même chose (« Maintenant c’est mon tour »), la motivation de ce dernier n’est pas à proprement parler…identique à celle de son épouse (un écho qui pour être proche – même introduction dans le texte – n’en demeure pas moins… éloigné)
À noter par ailleurs que l’exclamation qui clôt le chapitre, présente une certaine coïncidence avec celle qui retentissait à la fin de la célébration des noces d’argent du couple…

[Parenthèse#2] Je viens de me faire avoir dans les grandes largeurs par Daniel Sada et sa temporamoralité. Figurez-vous que la fin de la célébration des noces d’argent de Cécilia et Trinidad n’a pas encore eu lieu, au chapitre onze.
Non.
Elle ne survient en « réalité »… qu’à la fin du chapitre treize, p.71. C'est en feuilletant tout à l'heure les pages cornées des chapitres suivants, en vue de la préparation de la note#5, que je m'en suis aperçu.
Comme quoi ce bouquin est réellement obsédant, démoniaque, GÉANT ! )
[/Parenthèse#2]




Au terme de ces onze chapitres et quatre notes de lectures, maintenant qu’il est établi que rien, absolument rien n’est gratuit dans L’Odyssée barbare, ainsi que le faisait remarquer, à juste titre, Bartleby en commentaire par ici , nous allons donc pouvoir passer à la vitesse supérieure.
D’autant plus qu’il n’est pas question ici-là de disséquer/résumer/citer l’ensemble des phrases, de la chronologie, de l’histoire, des histoires, des coïncidences du livre, de la plus évidente à la plus anodine – le pourrait-on ?

Sauf imprévu : la note suivante traitera des chapitres douze à dix-huit (fin de la Première période), les suivantes devant vraisemblablement être plus espacées dans le temps.
Juste le temps…de prendre le temps de lire.


La suite sous peu. [note de lecture#5]

23 mars 2009

Daniel Sada - L'Odyssée barbare : note de lecture#3

Il y a tant à lire et dire de L’Odyssée barbare, de Daniel Sada, qu’on attaquera encore plus abruptement : maintenant !

rappel : [pourquoi/comment et note#1] [note#2]



*Première période
-Chapitre six :

Dernière phrase du chapitre cinq :
« [Trinidad] se redresse avec la lenteur d’un âne et recule perplexe, péniblement, de quelques pas seulement. »

Quelques pas seulement, pour un flash back d’autant plus surprenant qu’il est bruyant (toujours, semble-t-il, cette importance du brouhaha – voir note#2) : une plongée directe au cœur d'une fête mexicaine, très couleur locale, exubérante comme on les imagine. À croire que tout le village est là, du curé à la police, en passant par les inévitables pique-assiettes. Puis, à mesure que la fête bat son plein, apparaissent, sous l’apparente jovialité, les inévitables rivalités, ragots, magouilles, complots...rumeur [voir toujours note#2] ... mensonges... jusqu’à la haine des fils de Trinidad et Cécilia. Même pendant cette célébration de ce que l’on comprendra être leur anniversaire de mariage :



« Apparemment pas de changements… D’emblée la crise, forcément, rien d’autre, par le fait même que le détail connu était encore en suspens. » (p.29)

On commence à avoir l’habitude des points de suspension, qu’ils soient signe de ponctuation ou énoncés en toutes lettres. D’ailleurs, aussitôt :
« On va présenter autrement ce qui est resté tronqué. » (p.29)

Apparente valse hésitation délibérée de Sada, juste avant…un flashback à l’intérieur du flashback, suivi, quelques lignes plus loin, d’un nouveau changement de focale :
« Cependant, il faut prendre pied sur l’autre rive, au moins pendant un instant. Prenons la défense du père fainéant (…) » (p.31)

Et la voix off, ce narrateur/ metteur en scène sensé nous guider, nous aider à dénouer les fils de cette « vibration de sens enchevêtrés », de détailler précisément ce qui avait été esquissé au tout premier chapitre quant à l’oreille attentive que Trinidad prête aux bobards. Aux histoires. Aux mensonges (n’oublions pas le titre en VO, ni les épigraphes).



Puis : retour à la fête et au discours de Trinidad que l’assistance ne sait comment faire taire. Personne sauf… Dieu (tiens donc…) avec « une averse de grêle ponctuelle ». Si l’on se souvient bien, il y a déjà eu un autre moment au cours duquel Trinidad, impossible à faire taire, se voyait contraint au mutisme par un élément liquide (et décrit comme tel).
La scène des crachats, au chapitre deux.
L’averse de grêle en écho aux mollards ?
Fort possible.

Nota : une phrase relevée, parmi tant d’autres
« Ceux qui étaient assis se levèrent. »

Phrase à l’accent flaubertien du début de Madame Bovary ? (« Ceux qui dormaient se réveillèrent »)
Peut-être.
Peut-être pas.



*Première période
-Chapitre sept :

Retour aux fils de Trinidad, après leur…excommunication ?
« De temps à autre, Papias et Salomon se rendaient dans la funeste maison d’où ils avaient été chassés […] Sinon comme des revenants, du moins comme un couple de spectres efflanqués » (p.33)




Ce chapitre, même si sa place dans la chronologie est incertaine (peut-être une parenthèse située après le chapitre deux qui, on le sait, est quant à lui antérieur à l’arrivée des cadavres décrite dans le chapitre un – souvenons-nous de Trinidad voyant/rêvant ses fils en cadavres ; ici, nous en avons une évocation par l’emploi de « revenants » et « spectres »), est toutefois bel et bien lié à celui qui le précède par le crachat/la grêle. Sacrée association d’idées pour une gymnastique temporelle frisant le grand écart ; on admire la performance.
Mais ce n’est pas tout.
En effet, une autre phrase est intéressante :
« Et leur père était incapable de les appeler »

Cette incapacité de Trinidad déjà rencontrée lorsqu’il va/ira les chercher à la Grotte du Pied-Bot, devant laquelle il les appelle/appellera, ne les appelle/appellera pas, ou rêve/rêvera le faire aux chapitres trois et quatre. [voir note#2]

Embrouillé ?
Non. Ce que l’esprit assimile au prix d’un ou deux chapitres d’entraînement est plus difficile à expliquer par écrit.
On en tire, à ce stade, deux conclusions :
- Sada est hallucinant !
- Ce livre est GEANT !
(et une troisième conclusion : je ne suis pas le seul à le dire)


*Première période
-Chapitre huit :

Nouveau flashback, ramenant cette fois-ci six semaines avant la fête du chapitre six (tiens ?).
Ici, de longues discussions afin de convaincre tant père que fils d’accepter leurs présences mutuelles, pourrait-on dire, à la célébration des noces d’argent de Trinidad et Cécilia. Les fils finiront par y condescendre, à condition toutefois de pouvoir « dresser leur propre liste d’invités » (p.38)
On comprend mieux l’ambiance… particulière de la fête.

[le chapitre suivant, de même que les chapitres dix et onze s’avèrant particulièrement importants/denses, ils seront au centre de la note de lecture#4. Entre temps, si vous lisez, n’oubliez pas de prêter attention à ce qui est court, à l’anodin… et aux points de suspension.]

La suite sous peu. [note de lecture#4]

22 mars 2009

[flash spécial] Bio-g@rp-hie

Nous interrompons momentanément nos programmes pour un flash spécial d'information.

Depuis quelques minutes, tout ce que vous avez voulu savoir sur le g@stéropode sans oser le demander se trouve dans un coin de l'@robase str@tégique.
Mais où donc ?
Sous la photo ci-dessous, pardi !


Merci de votre attention.

A vous les studios.

La suite sous peu.

21 mars 2009

Daniel Sada - L'Odyssée barbare : note de lecture#2

[on ne reviendra ni sur le pourquoi, ni sur le comment de ces notes de lectures, tout ayant déjà été dit en introduction de la note de lecture#1 - on se contentera donc d’embrayer, toujours aussi abruptement : maintenant !]

* Première période
- Chapitre 2 :

Un chapitre nettement plus court – environ une page et demie – bien qu’essentiel ; on y reviendra.
Un chapitre qui nous saute à la figure (la diatribe de mise en garde de Trinidad à ses fils, la seule attitude politique efficace, selon lui : l’abstention. Guère surprenante de la part de l’apathique, du flemmard dont on nous a tracé – esquissé ? – le portrait au chapitre précédent) , un chapitre tel que le subissent
« les fils encore timides et timorés »(p.17)

Puis, de nouveau le même procédé, cette manière de faire le point, cette volonté de baliser le récit :
« On en était là : la voix hystérique de ce géniteur aboyant aux oreilles de ses rejetons des questions à la tonalité nettement goguenarde ; des questions mordantes, irritantes, venimeuses. »(p.17)

Un chapitre deux qui nous colle face-à-face à un Trinidad tonitruant, que rien ne semble pouvoir faire taire.
Sauf un crachat.
Puis un autre.
Que nous prenons, nous aussi, en pleine figure.
Diatribe tranchée net.
Stupéfaction.
Absence de réaction du père, ce sera donc Cécilia, la mère, qui répudiera les fils indignes.
Ce « mollard » en pleine face, curieusement ou pas, paraît contenir davantage de violence que la scène d’arrivée des cadavres, au chapitre un , pourtant nettement plus longue et sensément plus horrible. Se pourrait-il que l’horreur de la répression policière soit passée dans les mœurs, qu’elle soit subie par son côté inéluctable, par fatalité, alors que le manque de respect des enfants envers leur père, lui, ne saurait être « tolérable » ? (ceci dit avec tous les guillemets qui s’imposent)
Là, on ne peut qu’admirer la maîtrise de Sada, qui, en deux chapitres, par «
L'explication [qui vient], lentement, entrecoupée de langueurs et d’étirements (...) » (p.14)
, avec cette scène des crachats, nous fige, nous transforme en Trinidad.
Un chapitre deux pour une deuxième forme de violence, un deuxième événement déclencheur. Chronologiquement situé avant le premier. Un chapitre essentiel – on y est revenu.


*Première période
-Chapitre 3 :

D’entrée de jeu : tacle !
« Ici commence le recoupement de considérations non fondées par quelqu'un qui confond la matière du rêve avec celle de la réalité sans savoir où se situe la ligne de partage ou bien où se trouve en définitive l'absurde » (p.18)

On s’ébroue.
De qui est-il question ? De Trinidad ? Du lecteur ? Un recoupement – déjà ? – de quoi ? Des manques, creux, points de suspension des premières pages ou de ce qui y a été dévoilé ?
Et là, on se méfie : trop évident pour être honnête… Puis, à relire cet…avertissement on fronce les sourcils : recoupement de considérations non fondées, recoupement opéré par quelqu’un qui confond… sans savoir où se situe… absurde… Une autre balise ? À première vue, oui, mais une balise incertaine, trouble, mouvante, une balise qui davantage égare qu’elle ne guide.
D’ailleurs, le trouble, l’incertain, l’égaré, se déroule ensuite, chronologiquement placé après le départ de Trinidad, donc après le « etc. » du chapitre un et non après celui de ses fils, chassés par Cécilia au chapitre 2. Saut arrière, donc, pour mieux revenir après le premier chapitre qui pourtant fait suite, quant à lui, au chapitre deux – chronologie acrobatique, sauts temporels, il faudra s’y habituer ; à ce stade, on commence à se faire à cette gymnastique.
Trinidad,
« le flemmard, à la dérive, apprenti noctambule pour la première fois, mais voulant faire vite à tout prix » (p.18)
se rend donc à la grotte dans laquelle on lui a dit que ses fils, Papias et Salomon, s’étaient réfugiés (ne pas oublier que Trinidad est
« un épicier auquel ses clients viennent raconter des bobards gros comme leur désœuvrement et lui se laisse séduire tant qu'il en a le courage »
[chapitre un]). Ou semble y aller, recule, puis y parvient sans y être, appelle ses fils, les voit, ou les imagine morts, alors qu’il n’est pas arrivé à la grotte en elle-même ; cheminement erratique qui n’est pas sans certains points communs avec le parcours de la camionnette chargée de cadavres dans les rues de Remadrin (p.12). Coïncidence ?
Tout ondule, dans ce chapitre onirique, construit comme un mirage en plein désert, un mirage nocturne, une vision somnambule, dans lequel on trébuche, hésite, sait, ou croit savoir, puis ne savons plus (« considérations non fondées », on était prévenu…) jusqu’à :
« peut-être tomber vaincu par le sommeil, mais arriver, à bout de forces » (p.22)

À bout de forces.
Ici vient le chapitre quatre, comme lui aussi à bout de forces.


*Première période
-Chapitre quatre :

À bout de forces.
Une quinzaine de lignes, un changement de rythme. Et de focale.
Trinidad en
« silhouette floue, à la dérive, une ombre, une vision fugace, comme une simple conjecture. » (p.22)

« le cri choquant contre l’écho », peut-être l’écho de la voix « décomposée et extasiée » de Cécilia à la fin du chapitre un – mais peut-être aussi l’écho du haut parleur placé sur le toit de la camionnette (p.11), dans le même chapitre – dans lequel se posait la question « l’écho lui en parviendrait-il ? » (p.16) dont la réponse semblait être alors « Probablement tout fut réduit à une rumeur (…) » (p.16)
Rumeur que l’on retrouve ici-même, p.22, sous une forme à peine altérée : « le brouhaha de la résonance dure quelques minutes », renvoyant, une fois encore, non seulement à l’ultime phrase du premier chapitre mais aussi au brouhaha du tout début du roman :
« le vrombissement déchainé continuait à lui parvenir de l’extérieur (…). Ce brouhaha allait bien devoir s’apaiser, mais impossible de savoir quand » (p.9)

Quand ?
Dans les « quelques minutes » de la quinzaine de lignes du chapitre quatre ?
Reprenons cette phrase en entier :
« le brouhaha de la résonance dura quelques minutes comme un essaim affolé, et il faudrait multiplier les expédients face à un sommeil peuplé de lamentations qui ne s’éteindraient pas, quand bien même le père se réveillerait peut-être plus dispos. »

N’aurait-on pas ici le point nodal de tout le chapitre un ?
D’autant plus que la phrase suivante semble bien enfoncer le clou :
« C’était la confusion, la noirceur, la lumière derrière lui, mais aucun relent de pourriture. »

Un peu plus de 20 pages synthétisées en un peu plus d’une ligne…
Encore que l’on sait que ce « derrière lui » oscille du plus proche au plus lointain.

Conclusion : ce qui est court, dans L’Odyssée barbare, n’est pas forcément anodin. C’est alors que l’on remarque, une fois encore, que l’on était prévenu, et ce dès la deuxième phrase du chapitre :
« Reconstituée à grands traits ? c’est ce qu’il voulait. »

Oui, mais qui est « il » ? Trinidad…ou Daniel Sada ?


*Première période
-Chapitre cinq :

« Plusieurs heures ont-elles passé ? »

Ici-là, après ce qu’on vient de réaliser en davantage de lignes que n’en comporte le chapitre précédent, la très nette impression que Sada sait parfaitement ce qu’il fait, l’effet produit par sa quinzaine de lignes sur le lecteur – pour peu que ce dernier s’y soit arrêté. Alors, pour vérifier, il l’interpelle :
« Plusieurs heures ont-elles passé ? »

Point de « ici commence », de « on en était là », encore moins de « on en revient à ce qu’on sait », non, une simple question – ironique ? – comme pour savoir si l’on s’en sort, si l’on sait où l’on en est après avoir scrupuleusement suivi les indications une à une avec notre « croquis de référence », « le plus clair possible, avec des flèches dans tous les coins » (p.14), si Sada peut enfin nous laisser avancer seuls.
Sada s’amuse entre les lignes : vous avez suivi ? Parfait, on va vérifier…
« Plusieurs heures ont-elles passé ? »

Mais cette question : pour Trinidad, ou pour le lecteur ?
Et ça continue !
« Trinidad est aux aguets : s’il pouvait avancer d’un pas ferme en profanant l’obscurité, s’il avait avec lui une lampe de poche ou une modeste allumette. Il s’apitoie sur lui-même. Il a dû ralentir comme s’il voulait se refaire un peu. » (p.22)

Trinidad…ou le lecteur ?
Et ça recommence !
« Pour la première fois il s’aperçoit de l’échec retentissant de sa tentative. Ridicule échec subconscient où se conjuguent fiction et candeur ; ses rêves le trahissent-ils à leur tour, ainsi que sa mémoire ? » (p.23)

Trinidad…et le lecteur ?
Et ça n’est pas fini !
« Du même coup il lui faut au plus vite sortir de ce sordide embrouillamini, rien que par bravade. Ensuite renoncer : il fait demi-tour, tête basse, et regagne le seuil éclairé. Il avait besoin de lumière, de nouveaux encouragements. Il part lentement, tout en se bagarrant encore dans sa tête avec un tas de choses. »

On ne saurait mieux dire.
D’autant plus que, là encore, une balise :
« Il faut de toute urgence faire un point momentané, en commençant par une première évidence »

Balise…incertaine, comme d’habitude :
« Mais il s’avérait que malgré tout cette constatation était erronée, la démarche à suivre serait différente »

Plus loin, une autre balise, un indice ?
« Résumé en clair obscur, étant donné que le monde lui aussi avait tourné un peu plus et pris une légère inclinaison (…) Discrets recommencements » (p.23)

Puis le Trinidad/lecteur
« se redresse avec la lenteur d’un âne et recule perplexe, péniblement, de quelques pas seulement. »

Sauf que :
1/ aucune pénibilité dans le fait de reculer – bien au contraire.
2/ on mesurera bien vite l’ampleur de ces « quelques pas »...

Dès le chapitre six.

(on tentera, à l’avenir, des notes plus courtes – dans la mesure du possible, tant ce roman foisonne et fluctue et joue avec les différents moments du récit, tout autant qu’avec l’attention du lecteur.)

La suite sous peu. [note de lecture#3]

18 mars 2009

Daniel Sada - L'Odyssée barbare : note de lecture#1

Que l'on ne se méprenne pas, il n'est pas question ici de revenir sur ce qui a déjà été dit sur L'Odyssée barbare de Daniel Sada par certains des Chums of the Club, ni de couper l'herbe sous le pied des autres Chums qui ne manqueront pas d'en dire quelque chose (par ici entre autres).
Ce qui va suivre n'est rien d'autre qu'un simple, très banal journal de lecture, au rythme de la lecture, avec son lot d'approximations, de suppositions fumeuses, de contradictions d'un chapitre à l'autre.
Ce qui va suivre s'inscrit davantage dans la lignée des cartes postales de l'été 2008, cartes postales de lecture de 2666 de Roberto Bolaño.
Une différence cependant : impossible de garantir une telle régularité, ni une telle rapidité dans les notes de lectures de L'Odyssée barbare.
Absence de congés oblige.
Autres points à ne pas négliger :
1/ que ceux qui souhaitent avoir une vision d'ensemble afin, éventuellement, de se procurer, L'Odyssée barbare, aille voir chez Bartleby qui ouvre de plus en plus les yeux d'être devenu une star en l'espace de quelques jours.
2/ on tentera de ne pas trop en dévoiler non plus, histoire de ne pas gâcher le plaisir du clan des 1/
3/ je ne suis pas le premier à entreprendre ce genre de choses au sujet de ce livre. Un certain A.W l'a fait lui aussi (ici et ici, ou l'inverse) - il y reviendra, à plus d'un titre, on peut lui faire confiance.
Compte tenu de tout ce qui précède, je ne présenterai pas Daniel Sada puisque vous n'avez qu'à suivre les infolinks.
Le début va donc paraître un tantinet abrupt.
D'ailleurs, c'est maintenant !
Juste après la couverture de "Porque parece mentira la verdad nunca se sabe" [pour une explication quant à l'étrangeté de la translation vers le french, qui a fait grincer certaines dents, voir toujours chez Bartleby.]



Le chapitre un de la Première période de L'Odyssée barbare raconte le début d'une histoire.
On pourrait, à juste titre, opposer que cela n'a rien de bien exceptionnel.
Effectivement, puisque tout y est : un évènement qui déclenche le début d'une quête, l'introduction de quatre personnages et une fin suffisamment ouverte.
Ce serait omettre une chronologie bouleversée, des bribes d'informations futures ou passées semées ici ou là à l'aide d'un temps à géométrie variable, ou plutôt à contre emploi, des manques, des trous, des absences (ici, le lien avec Bolaño, qu'il n'est plus la peine de rappeler, se comprend : les deux auteurs auraient-ils le même goût pour les fragments ?) A tel point que l'on se demande si l'on n'aurait pas râté quelque chose. Le premier indice intervient à peine trois pages après le début :

"Pour être plus clair, on en revient à ce qu'on sait"

Autre indice :
" Ce que le mari savait - sapristi - était une pelote grossière de fils tirés à l'aveuglette, réels : peut-être ? rêvés : ratés ? Histoire virtuelle d'un épicier auquel ses clients viennent raconter des bobards gros comme leur désoeuvrement et lui se laisse séduire tant qu'il en a le courage".

Là, on tique sérieusement : ne serions-nous pas cet épicier ?
Puis reviennent en mémoire les incipits, présentés par Daniel Sada comme des "réflexions entendues" :
« Dieu créa le monde parce qu’il aime les histoires –
Réflexion entendue au café La Blanca dans le centre historique de Mexico.
[Là, on repense à une phrase de Autres électricités de Ander Monson :
"L'espace d'un instant il pense que le monde pourrait être une vieille radio énorme, vivante et électrique, pleine de voix et de friture, de stations se mêlant les unes aux autres. [...] le signal se faisant entendre clairement puis se diluant dans un silence rempli de friture avant de reprendre."

p.82 in Une vieille radio énorme ]


"La vérité c’est comme du mensonge, on n’en sait jamais rien –
Réflexion entendue à la gare routière de Culiacán, Sinaloa. »


Advient alors ce qui devait : on relit.
En tentant plus ou moins de reconstituer une chronologie rationnelle : les cadavres attendus depuis midi arrivent à 3 heures de l'après-midi, il faudra plus de trois heures pour les décharger, la camionnette repart à minuit.
Mais où l'affaire se corse, c'est que l'on repart deux jours avant (passage raconté au présent) pour mieux revenir ensuite à cette fin ouverte...au passé simple et conclue par un "etc."
C'est là, qu'on relit une troisième fois pour s'apercevoir que Daniel Sada s'est peut-être bien adressé indirectement aux lecteurs, de façon plus insidieuse - farceuse ? - que "Pour être plus clair".
Tout laisse à penser que ce chapitre regorge de pistes :
"en suivant bien entendu scrupuleusement les indications une à une, ce qui s'avèrerait fort compliqué si on n'avait pas sous la main un croquis de référence : ne serait-il pas judicieux d'en dessiner un, le plus clair possible, avec des flèches dans tous les coins [...]"

On remarquera l'opposition entre "le plus clair possible" et "des flèches dans tous les coins".
Après réflexion, il est fort possible que le passage ci-dessus ne soit rien d'autre que la trame improbable du roman dans son entier. Fin incluse :
"Probablement tout fut réduit à une rumeur, une vibration de sens enchevêtrés, une brise vénielles...finalement, etc."

Et de nouveau, on repense à Bolaño et sa "poétique de l'inconclusion" évoquée dans "Le secret du mal".
Quelque chose de troublant, également : Trinidad fait la sieste tous les jours, "la sieste rêvée", mais a priori, puisque tout semble indiquer qu'il ne parvient pas à la faire, d'où lui vient ce cauchemar, dans les premières pages ?


Tout cela est-il réel : peut-être ? Une histoire virtuelle faite d'une vibration de sens enchevêtrés...finalement, etc.
"L'écho lui en parviendrait-il ?"
Lui...
Le lecteur ?
Au terme de ces quinze premières pages, il éprouve en tout cas bel et bien l'envie de démèler la "pelote grossière", les "sens enchevêtrés", armé d'un "croquis de référence" avec "des flèches dans tous les coins."

La suite sous peu. [note de lecture#2]

16 mars 2009

On se retrouve après la pub

En attendant le rapport complet sur le Salon du livre 2009 de la délégation des Chums-en-ponchosombreros, tout autant, sinon plus, que leur rapport sur l'heure d'entretien Daniel Sada/A.W (dont les premiers échos sont plus qu'enthousiastes, selon les reporters de CNN - Coquille News Network), en attendant, donc, une courte page de publicité.

Le clavier qui chauffait du côté de L'@robase str@tégique vient d'éjecter un court texte tout nouveau tout chaud : "Love Me Tender".
Une suite qui n'en est pas une à "Motel", que vous trouverez là-bas aussi.
Allez, on clique sur la couv pour rejoindre l'@robase, fiouplease.

Merci d'avance.

La suite sous peu.

14 mars 2009

Bashung : night in bleu pétrole


Mon ange, je t'ai haïe, je t'ai laissé aimer
D'autres que moi, un peu plus loin qu'ici
Mon ange, je t'ai trahie, tant de nuits, alité
Que mon coeur n'a cessé de me donner la vie

Si loin de moi, si loin de moi, si loin de moi
Des armées insolites et des ombres équivoques
Des fils dont on se moque et des femmes que l'on quitte
Des tristesses surannées, des malheurs qu'on oublie
Des ongles un peu noircis, des ongles un peu noircis

Mon ange, je t'ai punie à tant me sacrifier
Icône idolâtrée, immondice à la nuit
Mon ange, je t'ai haïe, je t'ai laissé tuer
Nos jeunesses débauchées, le reste de nos vies

Si loin de moi, si loin de moi, si loin de moi, si loin de moi
Des armées insolites et des ombres équivoques
Des fils dont on se moque et des femmes que l'on quitte
Des tristesses surannées, des malheurs qu'on oublie
Des ongles un peu noircis, des ongles un peu noircis

Mon ange, je t'ai haïe, mon ange, je t'ai haïe.


(Bashung, "Tant de nuits", in Bleu Pétrole)

On avait aussi une bonne raison d'aimer celui-là :

Aujourd'hui c'est samedi, et c'est nous qui avons le vertige.

13 mars 2009

Salon du livre 2009 - Daniel Sada vs A.W : l'Odyssée barbare

Ce n'est un secret pour personne, le Salon du Livre 2009 se déroule à Paris ces jours-ci.
Ce n'est un secret pour personne, le Mexique y est à l'honneur.
Ce n'est un secret pour personne, une délégation des Chums of the Club (j'ai les noms) s'y rendra incognito -- ponchos et sombreros (nous y reviendrons).

En revanche, il y en a un que vous ne devez pas manquer et que vous ne pourrez pas rater.
Parce qu'il sera en haut de la dernière marge.
On stage, pour un remplacement au pied levé (même pas peur, le Chum).
Aux côtés de Daniel Sada.

Pendant une heure, dimanche 15 mars, de 16h à 17h, salle André Malraux, vous pourrez donc lui/leur faire le coup de l'odyssée barbare, de la part de l'esc@rgot malheureusement contraint par le côté obscur de la force de rester dans sa coquille.
Pour cela, rien de très compliqué.
Lorsque vous verrez A. W. et Daniel Sada, il vous suffira de tous vous lever et d'entonner d'un seul et unique poumon le refrain de la mort qui tue que voici :



Je vous avais bien dit qu'on y reviendrait, au sombrero.
M'est avis que nous tenons là l'hymne officiel 2009 du Fric-Frac Club.

La suite sous peu.

7 mars 2009

Scission & recentr@ge sous la coquille

Curieux titre.
Pourtant...
Scission : les nouvelles et autres textes estampillés g@rp ne se trouveront plus ici, ni sur Moins que rien mais pas plus.
Recentr@ge : les mêmes se trouvent désormais au coeur d'une annexe de l'esc@rgot g@rpien.


Et si vous souhaitez naviguer facilement de l'@robase à l'esc@rgot et à d'autres trucs encore : visez le conseil If [?] Then dans le bandeau de droite, et cliquez sur le Go to qui vous intéresse.

Bien entendu, la peinture est encore fraîche et certains travaux sont toujours en cours.
En attendant :
A vos bookmarks.
Près ?

La suite sous peu.

2 mars 2009

En vrac & en bref mais à ne pas manquer

Il y a des jours, comme ça, où tout semble arriver en même temps.
Ou presque.
Ainsi donc, today :

1/ l'ami (Chef) Fausto met un foot dans la Zone in The Quaterly Conversation [et ça le fait !]





2/ Conversational Reading buzze un article du New Yorker annonçant la parution posthume de Pale King de David Foster Wallace [dire qu'ici on attend toujours la traduction d'Infinite Jest...] Un extrait ici.




3/ peu de temps après un papier sur La fin du monde de Fabrice Colin, voilà-t-y pas que le même répond à vos questions en direct live sur le forum d'ActuSf ! [attention, ça ne dure que jusqu'au 4 mars : donc, à fond les manettes !]




4/ quinzième fois au moins que je recommence un fichufoutu papier sur Autres électricités, de Ander Monson.
Parce que ça :

ressemblerait, tout compte fait, après lecture de ces nouvelles qui n'en sont pas sans être un roman, peut-être bien à ça :




Parce que ça, aussi :
Trouve un nom ton nom le nom de ta mère ton nom de famille sur la liste des épitaphes radio dans les manuels ou sur Internet. Branche-toi sur cette conversation. Connecte ton combiné à la boîte de raccordement et intègre-toi à une famille. Ecouter les gens à leur insu te permet d'intégrer une réalité, c'est toujours ainsi. Ecoute la façon dont ils parlent - s'ils parlent en anglais ou en français, ta langue de coeur. Ecoute chaque fois qu'ils mentionnent une absence de bras ou la perte.
[...]
Prends tout ce que tu entends. Une seule chose : ne parle pas ou ils sauront que tu es là. Laisse la tonalité te guider dans les profondeurs du terrier de lapin, et caetera.


Et parce que ça aussi.

Donc, on y arrivera.
Parce qu'on ne peut pas, ne doit pas taire ce...putain de sacré bouquin !

La suite sous peu.