21 février 2008

Tout n'est pas avouable dans une vie de traducteur

En attendant de mettre la main sur La Croix (Javel trouver, La Croix - oui oui oui, je sors) voici ce sur quoi je suis tombé.
Les traducteurs seraient-ils des E.T comme les autres ?
"Des livres, rien que des livres. Alignés sur les étagères. Empilés au sol. Entassés sur le moindre coin de table. Toutes les pièces en regorgent. A peine la place de circuler. C'est ici, dans cet appartement bourgeois du 16e arrondissement de Paris, que Pierre-Emmanuel Dauzat a installé son bureau. Ici qu'il travaille face à son ordinateur, douze à quatorze heures par jour, à lire, traduire et préfacer les livres des autres et à écrire les siens. A bientôt 50 ans, Pierre-Emmanuel Dauzat est l'un des traducteurs français les plus demandés. "Je vis dans ce luxe incroyable, pour un traducteur, de pouvoir refuser plus de propositions que je n'en accepte, avoue-t-il. Je m'arrange seulement pour avoir toujours une dizaine de livres en cours, ce qui m'assure en moyenne deux ans de travail devant moi." Depuis trente ans, le rythme ne varie guère : entre vingt et quarante pages par jour, soit environ trois cents livres au total, dont près d'un tiers traduits sous pseudonymes ("Tout n'est pas avouable dans une vie de traducteur"), sans compter des milliers d'articles."

"Polyglotte ? Pierre-Emmanuel Dauzat balaie le qualificatif d'un revers de main. Il ne parle aucune des langues qu'il traduit. "Même en anglais, je suis incapable de dire deux mots, assure-t-il."

"Sa méthode est toujours la même : allergique aux grammaires, il préfère s'"immerger" dans des dictionnaires et des livres en édition bilingue. Généralement, il ne lit pas à l'avance l'ouvrage qu'il doit traduire : "C'est indispensable pour garder une forme de spontanéité dans la traduction." Seul principe, il commence par traduire la fin : "J'ai une telle angoisse de la mort que je préfère me débarrasser de la fin dès le début", explique-t-il.
Ce "besoin vital de (s')exiler dans la langue des autres", il dit l'éprouver depuis toujours."

"Profondément "troublé" par la place grandissante accordée aujourd'hui à la parole des bourreaux, auteur d'un récent brûlot contre Les Bienveillantes, de Jonathan Littell (1), Pierre-Emmanuel Dauzat vit aujourd'hui dans l'obsession de redonner une voix à "ceux dont on a voulu nier la vie", comme Hans et Sophie Scholl, ces deux jeunes résistants allemands assassinés en 1943, dont il est en train de traduire les lettres et les carnets. Son grand projet ? Outre une histoire des contresens de traduction, dont il a déjà écrit plus de mille pages, il souhaiterait publier les "masses inimaginables" de témoignages yiddish encore inédits en français. "Traduire du yiddish est devenu mon plus grand bonheur, explique-t-il. C'est une langue qui réunit toutes les langues européennes à la fois, une langue à géométrie variable, qui change de shtetl en shtetl et n'est jamais là où on l'attend." Il s'en étonne lui-même : "Depuis que j'ai découvert le yiddish, je n'éprouve presque plus le besoin de découvrir de nouvelles langues."
(1) Holocauste ordinaire, Bayard, 186 p., 18 C (Le Monde du 7 février)."

Thomas Wieder
Article paru dans l'édition du Monde du 22.02.08.

La suite sous peu.

2 commentaires:

  1. Très intéressant, l'article... ;-)
    Merci !

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  2. Bonjour,
    Je cherche la traduction de chansons en yiddish sur le thème de la vie dans le ghetto (ma fille chante des chansons (au lycée)dont nous ignorons le sens )
    Merci de votre aide
    Doriane

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